From François-Marie d’Angelÿ and Other Commission Seekers
als: American Philosophical Society
Paris ce 25e Mars 1780
Monsieur

Si j’eusse cru qu’il me fallut des protections pour parvenir jusqu’a Votre Excellence, j’en aurois eu certainement. Je me presente a vous avec confiance pour offrir mes services aux etats unis d’amerique; les circonstances reveillent un desir que j’ay formé depuis le commencement de la guerre et je desire que vos vues puissent favoriser mon zele.

Je Suis entré en 1755 officier au service du Roy de Prusse en 57 J’etois Capitaine d’un Bataillon d’Infanterie de troupes legeres; J’ay fait toute la guerre en cette qualité, et quoyque j’eusse alors peu de theorie de mon metier, je passois pour un bon officier. Le prince d’anhalt Bernbûrg avec qui j’etois fort lié m’engagea vers la fin de 1761 a passer avec luy en Dannemarc ou il etoit general Major. Je fus fait Chef d’escadron et Major d’un Regiment de hussards qui fut levé cette meme année. Cinq ans aprés, Mr de St germain trouvant la Cavallerie danoise trop pesante me tira du Regiment ou j’etois pour me mettre dans la meme qualité dans le Regiment Royal Cuirassiers afin d’introduire dans ce Regiment des evolutions plus souples et plus legeres. En 1769 l’Imperatrice de Russie ayant demandé au Roy de Dannemarc quelques officiers qui eussent fait la guerre, le Roy me mit du nombre des volontaires qui luy furent envoyés. Ayant appris la langue du pays a mon arrivée a l’armée Russe, je fus fait le 1er Janvier 1770 Lieutenant Colonel du Regiment de siberie Carabiniers. On detacha a l’entrée de la Campagne un escadron de chaque Regiment de Cavallerie de l’armée dont on me confia le Commandement et je me trouvai avec 12 escadrons de 175 hommes chacun a l’avant garde de l’armée, sous les ordres du general Bauer. Le bonheur suivit si bien mes entreprises, que l’Imperatrice crut faire une bonne acquisition en m’attachant entierement a son service, elle me decora elle meme de l’ordre Militaire, elle m’offrit un Regiment de Carabiniers, une terre en livonie, une place de page pour mon fils qui n’avoit encore que neuf ans, et une somme d’argent Considerable pour amener ma femme et mon fils en Russie: Je ne pus accepter ces propositions qu’après avoir été en Dannemarc prendre le consentement du Roy, il me l’accorda avec des marques de sa satisfaction. Je revins en Russie, j’entrai en possession de ce qui m’avoit eté promis, et je fis de mon mieux pour meriter l’opinion qu’on avoit conçue de moy.

J’etois commandant d’une partie des nouvelles acquisitions de l’Imperatrice dans la Lithuanie, lorsqu’on m’y amena les officiers françois faits prisoniers a Cracovie. Les services que je leur rendis exciterent la reconnoissance du Cardinal de Rohan alors ambassadeur de france a Vienne. Ce prince me flata de l’espoir de jouir en france d’un sort heureux. J’avois besoin de prendre des bains pour me refaire des blessures et des fatigues de la guerre, j’en obtins la permission, j’eus l’imprudence d’aller a Vienne et a Paris pour m’assurer du sort que je pouvois esperer en françe en quittant la Russie. La somme que j’avois pretée aux officiers français m’ayant été adressée a Petersburg par le Cardinal de Rohan a Mr frederichs Banquier de la Cour, celuyci en fit part a l’Imperatrice: elle conçut des soupçons sur ma fidelité, et a mon retour en Russie je fus arrêté et mis en prison: après deux mois de detention, tous mes papiers ayant prouvé mon innocence; mais démontré en meme temps les vues que j’avois de rentrer en france, l’Imperatrice me depouilla de tout ce que je possedois, et je me trouvai après avoir perdu 70 mille livres de rente, sans autre ressource que celle que j’avois lieu d’attendre des bienfaits de la france. Elle m’a accordé un brevet de Colonel qui ne m’attache a rien et ne me donne aucune existence, avec une pension de 5000 l.t.; et Votre Excellence verra la verité de ce que viens de luy dire par la lettre de Mr le Mal. du Muy et par le brevet ci joints.

N’ayant malgré les promesses du Roy aucune esperance de pouvoir etre employé dans ma patrie et ne pouvant supporter l’inaction dans laquelle je suis forçé de vivre Je desire servir ses alliés, et etre utile a la Cause commune. Vingt ans d’un service continuel, deux guerres difficilles dans lesquelles j’ay eu quelque sucçés me donnent l’esperance d’en avoir encore d’autres. Je suis fort et robuste, Je possede parfaitement l’allemand, passablement l’anglois, et si j’obtenois la permission de lever en Amerique un Corps de troupes legeres, moitié a Cheval et moitié a pied, espece de troupes qui manque je crois a l’armée du general Washington, j’oserois me flater d’etre utile a son armée. Je ne marchande point sur le grade, le titre sous lequel je pourrois remplir les objets, que l’ignorance des circonstances et des lieux ne peut que me faire entrevoir, m’est parfaitement indifferent. Si Votre Excellence daigne accueillir mon zele, je la suplie de ne point s’en rapporter a moy sur les services que je suis en etat de rendre et je luy demande la faveur de permettre a Mr le Baron de Viomenil d’aller luy parler de moy. Je prens sur moy d’obtenir la permission de la cour de france de passer en Amerique, je ne demande que votre protection pour ne point aller dans ce paÿs la comme un homme sans aveu; mais soit que Votre Excellence accepte ou refuse mes offres, je la supplie de m’accorder un instant d’audience.

Je Suis avec Respect Monsieur de Votre Excellence Le tres humble et tres obeissent Serviteur

d’Angelÿ

Notation: D’angely Paris ce 25 mars 1780.
634143 = 032-144a.html