From the Duc de La Rochefoucauld (unpublished)
Paris, 14 fev. 1787

J’ai appris, mon cher et illustre confrere, avec un véritable chagrin par M. le Veillard qu’un de ses paquets qui contenoit une lettre de moi avoit été perdu; ce n’est pas pour le contenu de la lettre que je le regrette, mais parce que c’est une occasion perdue de me rappeller à votre souvenir. J’en ai reçu il y a quelque tems une marque dont je vous suis très obligé, c’est le Catalogue des Arbres et Arbustes des Etats Unis, Arbustrum Americanum de M. Marshall que l’on m’a remis de votre part; j’aurois dû vous en remercier plutôt, mais les tristes soins qu’a exigés de moi une longue et cruelle maladie de ma soeur, et le malheur que nous avons eu de la perdre, d’avoir à pleurer une mere, fille, femme, soeur, amie estimable et chere ont absorbé tout mon tems et toutes mes facultés; j’ai craint ce coup fatal pour ma mere et pour ma femme de qui la santé commence pourtant à se rétablir un peu et le prémier usage que je fais de quelques momens libres, est de causer avec vous, bien persuadé que votre amitié pour nous prendra sa part a notre juste affliction.

Je cause souvent de l’Amerique avec Messieurs Jefferson et Mazzei, et surtout avec le Marquis de la fayette avec qui j’ai contracté depuis votre départ une liaison très intime qui me satisfait tous les jours d’avantage, et je vois avec interêt et plaisir que quoique vos Etats ne fassent pas toujours le mieux possible, ils méritent cependant souvent de servir de modeles à l’Europe et de rétablir dans leur lustre, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, les droits de l’humanité.

Je pars pour aller passer quelques jours à la campagne et veux profiter d’une occasion que l’on m’annonce pour votre pais; toute ma famille me charge de mille et mille compliments pour vous; voudrez vous bien parler de nous à Messieurs vos petits fils, et recevoir, mon cher et illustre confrere, mes souhaits pour la prospérité des Etats unis, pour votre santé si précieuse aux sciences, et à l’humanité, et l’hommage bien sincere de tous les sentimens d’estime, de veneration, et, permettez moi de le dire encore, d’amitié qui m’attachent à vous pour la vie

Le Duc de la Rochefoucauld

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