M. Jefferson et M. le Veillard m’ont donné de vos nouvelles, mon cher et illustre confrere; le dernier m’a montré la lettre dans laquelle vous lui annonciez votre nomination à la Charge de Président, et j’y ai admiré l’expression du sentiment qui vous a déterminé à vous charger d’un Emploi aussi fatigant, mais dans lequel vous travaillerez efficacement au bonheur de la Pennsylvanie et à celui des autres Etats sur lesquels l’exemple de celui où vous êtes aura surement une grande influence. Je sais que deux partis puissants et presque égaux protegent des principes differents pour en former la base de la Constitution, personne n’est plus propre que vous à concilier les deux partis, et à obtenir, non pas peutêtre la Constitution absolument la plus parfaite, mais au moins comme disoit solon, la meilleure dont vos compatriotes soient susceptibles.
Voici le moment critique pour les Americains, le rétablissement de la paix et la certitude de l’Indépendance exigent d’eux une révision generale de toutes leurs Loix, et la formation de Codes nouveaux, non plus servilement calqués sur les Loix Angloises, mais dictés par la raison, conformes à leur état actuel, et propres à assurer le bonheur des Etats et des Individus. Vous devez être en Législation les Maîtres du reste du Monde qui attend de vous ces lecons importantes.
Il faut être court avec les gens occupés, ainsi je vais terminer ma lettre par les complimens de toute ma famille auxquels M. de Condorcet me charge de joindre les siens. Vivez longtems, et jouissez d’une bonne santé, c’est le voeu unanime de tous ceux qui n’ont même qu’entendu parler de vous: ceux qui ont eu l’avantage de vous connoître y ajoutent le desir que vous leur conserviez une part dans votre précieuse amitié; j’ose croire en mériter un peu, mon cher et illustre confrere, par l’attachement sincere et la vénération dont je suis pénétré pour vous,