A Versailles le 7. fevr. 1783.
Jai l’honneur, Monsieur, de vous envoyer copie d’une lettre que
je viens de recevoir de M. le Mis. de Castries.
Vous y verrez la manière indécente dont le Capitaine smith s’est
conduit envers quatre officiers distingués des troupes du Roi qui
s’étoient embarqués sur son bâtiment pour repasser en france, et
les exactions par lesquelles il a terminé ses procédés injurieux
et violents à leur égard.
Je suis bien persuadé que vous serez aussi indigné que nous le
sommes nous-mêmes de cette conduite du Capne. smith, et que vous
employerez volontiers l’autorité dont vous êtes revêtu pour rendre
justice à nos officiers, et pour punir ceux du Corsaire américain
Le Général Gaveret, qui se sont réunis avec leur Capne. pour les
maltraiter. J’ai l’honneur d’être très sincérement, Monsieur,
votre très humble et très-obéissant serviteur
à M. francklin
Copie de la lettre de Mr. le Marquis de Castries à M.
le Comte de Vergennes à Versailles le 30 janv. 1783.
Il m’a été adressé des plaintes, M, contre le Capn. Thomas
smith, commandant du Corsaire Américain Le Général Garveret,
arrivé en dernier lieu à Bordeaux.
Ces plaintes sont de la part de Mrs. de la Catrie, de Vareil et
le Bret, Capitaines au Régiment de soissonois, et de M. descotte,
Capitaine au regiment de saintonge, tous les 4. Passagers sur le
dit Corsaire.
Ces officiers avoient payé 100. guinées à l’armateur pour leur
passage, mais le Capitaine a prétendu qu’il lui revenoit 10.
guinées pour le passage d’un domestique dont à la verité il
n’avoit pas été question lors du payement des 100. guinées, et
s’est opposé au débarquement des malles des dits officiers jusqu’a
ce que ces 10. guinées fussent payées.
Le Commissaire général des ports a cru néanmoins devoir donner
ordre au Capitaine Smith, de faire débarquer sur le champ ces
malles, et a décidé que les 10. guinées ne seroient pas payées. Il
s’est porté à prendre ce parti sur ce que les officiers françois
lui ont rendu qu’ils avoient embarqué a leur départ de Boston pour
22. guinées de provisions, qui toutes ont été pillées et
consommées devant eux par les officiers et l’Equipage du Corsaire,
sans qu’ils ayent pû en profiter en aucune maniere ayant été
réduits pendant les 40. jours de la traversée, à un très petit
morceau de Lard salé et de biscuit très mauvais à chaque repas.
Ces 4. officiers, Chevaliers de st. Louis, anciens militaires
sages et modérés, se sont plaint amerement de mauvais traitemens
de toute espece qu’ils ont essuyé de la part de ce Capitaine et de
ses officiers de qui ils avoient tout à craindre s’ils n’avoient
pas pris le parti de tout endurer avec patience.
Je ne doute pas que de pareils procedés ne vous paroissent
répréhensibles, et que vous ne jugiéz à propos de déferer ces
plaintes au Ministre Plénipotentiaire de ces Etats Unis de
L’Amérique septentrionale à l’effet d’obtenir justice pour ces
officiers, et demander la punition du Capne. Smith et des
officiers de son Equipage. Il est d’autant plus essentiel que
cette conduite ne reste pas impunie, qu’autrement ce seroit
exposer beaucoup d’autres officiers francois, qui pour leur retour
peuvent se trouver dans le même cas. Je vous serai très obligé de
me faire part de ce que vous aurez cru devoir faire à ce sujet.
J’ai l’honneur etc.