J’ai reçu la lettre qu’il a plû à Votre Excellence de m’honnorer le 26. février dernier en réponse à celle que je lui avois ecrite le 21 8bre 1784, ainsi que la Copie des deux Lettres qui luy ont été êcrites par Mr. de Jefferson ancin gouverneur de Virginie qui se trouve etre à Paris, icelles dattées des 25. 9bre et 1er Xbre aussi dernier, par lesqu’elles vous et luy avés eû la complaisançe de me transmettre ce qui s’est passé au mois d’octobre dernier dans l’assemblée générale de l’Etat de Virginie sur l’objêt de mes reclamations et de ce qui m’est dû en vertu des délégations du sieur de francy agent de M. de Beaumarchais à moi donnée dès le 9. 7bre 1780, d’après l’avis arbitral rendu à Bordeaux le 20 may 1779 ainsi que j’en ai donné la preuve par les Copies jointes aux Pieces que j’ai eû l’honneur d’addresser à Votre Excellence. Ces délégations en traites dont l’une de la somme de 5420 Pounds 1 schelin 6 sols avec les intérêts de ce Capital à compter du 1er Juillet 1778, et l’autre de 46 miliers de tabac sont faites sur Mr. Armstead ou tel autre agent de l’Etat de Virginie payable à mon ordre et à dix Jours de Vuë.
Ces deux objêts que Votre Excellence aura vû dans l’avis arbitral de Bordeaux m’avoit êtés alloués pour Commission de Vente des Marchandises de la Cargaison du fier Roderigue portent naturellement sur les fonds dûs à M. de Beaumarchais par le même Etat de Virginie pour le restant du montant de la Vente de cette cargaison que je lui fis moi-même le 8 Juin 1778 (et non pas Mr. de francy comme la pensé Mr. de Jefferson) ces deux objets dis-je, sont les seuls avantages pour moy qui soient ressortis de ce Voyage, et dont la Privation dans laqu’elle J’ai été de leur Jouissamce depuis 7 ans m’a causé le plus grand Préjudice, et m’a réduit à une gêne et une détresse que je n’ose plus exprimer. Il me suffira d’assurer Votre Excellence, que le deffaut de fond et de ressourses m’a empêché de faire aucune entreprise depuis la Paix! Tous ceux qui me connoissent ainsi que Messieurs le Comte de la Touche et Duquesne et qui m’honnorent de leur amitié et de leur confiance, le confirmeront à Votre Excellence.
Dans mes lettres ecrittes au mois d’Octobre dernier en Virginie et dont j’ay eû l’honneur de vous faire passer les duplicata dans le Paquet que j’ai addressé à Votre Excellence, elle y aura vû que j’ouvrois un moyen bien simple à l’Etat de Virginie, en demandant qu’on ordonne un Payement d’acompte sur ce qui est dû à Mr. de Beaumarchais proportionné au montant des deux Traites du sieur de francy et qui fut capable de me solder en Principal et intérêts, il est dans l’opulence tandis que je souffre: cette difference est assez sensible pour exciter la commisération et la Justice de Votre Excellence, ainsi que celles des Puissances actuelles de l’Etat de Virginie. C’est aussi dans cette confiance que j’ose vous supplier de nouveau, Monseigneur, de m’accorder l’appuy de votre bienveillance en m’envoyant des lettres de recommandation qui tandent à me faire accorder sans aucune altération de monnoye le montant de mes demandes; décidé comme je le suis à faire passer mon fils agé de 20. ans le seul enfant que j’ai en amérique dès aussitôt que vos dépeches pour luy me seront parvenuës, ce sera luy qui rendra mieux que moi aux membres du Conseil d’Etat de Virginie le Tableau touchant de ma triste situation. J’en laisse le soin à Messieurs Delatouche et Duquesne pour le faire eux-mêmes auprès de Votre Excellence.
Je suis avec un Très Profond Respect Monseigneur Votre très humble et très obeissant serviteur