L’heureux événement d’une paix si désirée, et à laquelle vous avez acquis le titre si justement mérité de Libérateur de la patrie, m’a déterminé à vous faire part d’un projet que m’a fait naître la connaissance que j’ai acquise de l’Amérique Septentrionale par les différentes observations que j’y ai faites pendant près de deux ans que j’y ai resté a parcourir ses différentes provinces. Je pense que L’honorable Congrès cherchant à encourager tous les Etrangers qui se proposeront d’y introduire toute manufacture quelconque capable de faire fleurir le pays, s’occupera sérieusement à encourager et soutenir ces mêmes manufactures. Celle que je me propose d’y établir serait, sans contredit, au nombre des plus utiles. Cependant malgré son importance, je crois qu’elle serait mal accueillie à L’honorable Congrès, si l’Instituteur, étant français, ne vous avait pas avant son départ, non seulement communiqué son projet mais même obtenu votre approbation et appui pour être bien accueilli dans un pays où vous vous êtes acquis par vos lumières le droit de juger de toutes les opérations qui dépendent de la Physique.
L’Amérique Septentrionale offre par elle-même le plus grand encouragement à l’établissement d’une Verrerie, à toute personne qui connait cette partie et qui a réellement les connaissances que cet art exige pour être exécuté avec Succès. Celles que j’ai tâché d’acquérir par près de quinze ans d’étude en cette partie tant en france qu’en Suisse, me font espérer la plus heureuse réussite en Amérique.
La grande abondance des matières propres à la Vitrification, et la quantité de bois qui se trouve dans le pays, est une des principales choses tant pour la fonte des matières que pour la construction des différens bâtimens qui sont absolument nécessaires à cette fabrication applanit bien des difficultés et me fait espérer que mon projet pourrait être approuvé.
Si L’honorable Congrès voulait appuyer cet établissement, je m’associerais avec quelques personnes, et je formerais sans peine les fonds nécessaires pour mon projet, en faisant toutes les avances pour l’établissement de cette manufacture. Une des personnes qui y serait le plus intéressée a même déja en propriété des terres entre la Virginie et le Maryland, lieu qui serait très propre pour cet établissement vû la proximité de la mer, ce qui favoriserait beaucoup l’exportation dans tout le continent. Le transport des ouvriers que l’on serait absolument obligé de faire venir de la france ou de la Suisse, joint aux bâtisses nécessaires entraînerait dans des dépenses considérables que je n’hésiterais cependant pas de faire si L’honorable Congrès pour m’encourager dans ce projet daignait accorder des privilèges et toutes les facilités nécessaires et raisonnables.
Je serais dans le cas de fabriquer verre-à-vitre de toute espèce, bouteilles, dames-janes, verres à boire de toute qualité, enfin tout ce qui concerne la verroterie. Ayant toutes les matières sous la main, je pourrais donner tout ce qui se fabriquerait beaucoup audessous du prix qu’on vend les mêmes marchandises qui viennent par importation des pays étrangers.
Outre que cette manufacture serait très-avantageuse au pays, en ce qu’elle pourrait fabriquer aussi beau qu’en france dans le genre que je viens de tracer, elle répandrait aussi beaucoup d’argent, vû la grande quantité de personnes qu’il faudrait employer pour étendre cette branche de commerce à proportion de la réussite qu’elle pourrait avoir.
Si mon projet, Monsieur, avait votre approbation, et si vous pensez qu’il put être accueilli de L’honorable Congrès, je vous prierais de m’honorer d’une réponse; si j’étais assez heureux pour mériter votre recommandation auprès des Etats-unis, lorsqu’il serait question de passer en Amérique pour en solliciter l’exécution soit en Virginie, soit ailleurs, je regarderais mon projet comme assuré. Dans cette attente, j’ai l’honneur d’etre avec respect Monsieur Votre très-humble et très-obéissant serviteur