Avec un esprit vaste, un genie proffond, et des talents superieurs, vous devez necessairement posseder au supreme degré l’art de faire des heureux; ne pourriez vous pas, Monsieur, me renger dans la classe de ces derniers, en m’accordant votre protection.

J’appartiens a une famille honête; je vois ma vint et quatrieme annèe, j’ai fait des bones etudes; j’ai du gout et du talent pour la poësie française, j’ai dans mon portefeuille deux pieces de theatre de ma composition; je viens d’encourir la disgrace de mes parents pour n’avoir pas voulu, contre mon inclination, condescendre a leurs desirs, en me faisant eclesiastique; ils m’abandonnent, et me reffusent leurs secours; puije esperer, de trouver en vous un second pere? Je ne desire rien tant que de trouver un emploi analogue a mes petits talents; je passerois volontiers en amerique.

Si par votre secours, Monsieur, en me rendant utile, je pouvois m’assurer une existence honête, quel seroit mon bonheur! Quelle seroit ma réconnoissance! Un frere que j’aimois tendrement, qui a fait toutes les campagnes dernieres en qualité de lieutenant de fregatte, et que je viens de perdre, ma determinè a faire divorce avec le petit colet; je ne l’avois pris que pour le secourir. Je n’embitione pas des richesses; pouvoir me passer de mes parents, qui me sont injustes; fait l’objet de tous mes voeux. J’attends tout de votre genereux zele; soyez moi secourable je vous en conjure. A pres de deux cents lieux de l’endroit qui m’a vu naitre, sans amis, sans connoissance, sans protecteurs, et sans ressources, je manque du plus necessaire; je suis reduit a la der]nière] des miseres; et ne vois de soulagément que dans votre generosité, ou dans le desespoir puissiez vous me tirer de l’inaction ou je vegete malgré moi! Quelle seroit la satisfaction de celui qui a l’honneur de se dire avec respect Monsieur votre tres heumble et tres obeissant serviteur