Quelques unes des raisons que Mr. Franklin allegue pour cette opinion sont appuiés sur l’experiance que l’Europe a eu du genie de cette nation depuis le gouvernement du malheureux Charles I. La puissance immense et toujours croissante de cette nation insulaire l’a rendue fiere, et, à ce que pense Mr. Franklin, insolente vis à vis des autres nations, qui en ont été traitées les unes apres les autres avec une espece de dedaigne marqué. Tranquille dans l’enceinte de leur isle, et surs d’être à l’abrid des invasions qui puissent leur enlever quelque partie de leur territoire, ils se sont souvent engagé dans la guerre pour la seule envie de la faire, et ont ainsi causé les malheurs les plus tristes à l’Europe entiere, tandis que chez eux on restoit dans le sein de la tranquilité.
Il pense, que, sans remonter à des guerres dont on a oublié presque le souvenir, et qui ont été suscitées avant notre temps, cette nation sous des pretextes les plus frivoles et quelques fois même par pur esprit de partie contre differentes familles, dont l’une vouloit supplanter l’autre dans la ministere en rendant les affaires publiques pour que les ministres peu habils qu’on vouloit faire sortir de leur place, auroient pu se tirer d’affaires; il pense dis-je que sans remonter à ces temps passés l’Europe doit être persuadée qu’elle ne jouira jamais que d’une tranquilité chancelante, si l’Angleterre rentre en possession de l’Amerique sept., lorsqu’elle considere seulement que les trois dernieres guerres ont été allumés en Amerique, guerres qui ont ensanglanté le globe de la terre, et ont causé des desastres et des bouleversements plus terribles dans presque toute l’Europe (désastres dont l’Auguste maison d’Autriche s’en ressent encore) et dont la derniere malheureusement n’est pas encore eteinte. Ls premiere de ces guerres prit son origine en Acadie ou la nouvelle ecosse par une dispute entre quelques peu de colons anglois et francois; la seconde par des petites tracasseries entre quelques marchands francois et anglois sur l’Ohio, et la troisieme par la defection des colonies de la mere patrie. Mr. Franklin croit, que la Nation, qui a suscité tant des guerres sans raison, et qui continue de s’engager aussi temerairement dans des nouvelles par cet esprit de hauteur nationale, qui ne s’abat pas même au milieu des malheurs et des difficultés, en susciteroit dorenavant encore bien plus souvent lorsqu’elle se trouveroit appuiée par le secour d’une nation puissante et toujours croissante, qui, si elle seroit leur confederée, ne leur donneroit que de l’appui dans la guerre et ne leur couteroit rien dans la paix. Son opinion est que l’Europe entiere, si elle aime la tranquilité, et même la France, ne doit plus soufrire que quelque puissance europeenne ait quelque connection politique avec l’Amerique sept., pas meme avec le Canada, mais qu’il est de leur interest de participer toutes au commerce immense que ce peuple vat ouvrir, sans distinction de nation, avec l’Europe entiere. Il pense que l’Angleterre reduite à un etat de puissance, qui ne puisse plus leur faire pretendre à dominer sur la navigation des autres nations ne trouvera plus de l’avantage a provoquer ces nations a s’opposer à leures exactions; qu’etant contrainte d’aimer la paix, elle se trouvera elle même infiniment plus heureuse qu’elle seroit, si elle resumeroit avec une puissance redoublée la fiereté naturelle à une nation dont la puissance n’ayant presque point de bornes et étant insulaire defieroit continuellement l’Europe entiere conjurée contre elle, au lieu que la pluspart des autres nations de l’Europe, et surtout la france etant attaquables de tous les ports [parts?] ne pourroient jamais impunement s’arroger une domination si arbitraire sur les autres puissances.