Depuis ma derniere ma chere amie, J’ai presque toujours été absent d’ici. J’ai fait un Voyage a New York ou J’ai resté environs un Mois, et où, par Parenthèse, J’ai vu sur la Cheminé de M. Jay une Lettre pour M. Le V. que Je lui avoit envoyée dès mon Arrivé ici pour etre expedié par le Packet Bot de France du mois de Septembre. Dans cette Lettre etoit une pour vous. Il me dit qu’il avoit reçue 24 heures trop tard pour le Packetbot et que depuis ce tems il n’y avoit point encore eu de Vaisseaux pour la France. Il est vrai que les Occasions sont bien peu frequentes dans cette saison cy. Je le priai en consequence de l’envoyer avec ses premieres Depeches pour l’Angleterre et J’espere que vous l’aurez deja reçue. A l’avenir Je n’enverrez plus de Lettres a ce Monsieur (qui a trop d’affaires pour). Mad. Jay m’a demandé beaucoup de vos Nouvelles,—si votre Famille etoit augmenté? etc. etc. Elle vous aime beaucoup par consequent elle m’a paru bien aimable.
J’ai été a New-York pour quelques affaires avec le Congrès qui y siege. Ils m’ont reçu on ne peut pas mieux. Mais ils n’ont pu me promettre encore l’emploi que Je desirai en Europe attendu qu’il ne sont pas encore unanimes dans leur Opinion si c’est l’avantage de l’Amérique ou non d’avoir des Ministres a toutes les Cours. Cela sera decidé au Printemps et Je pourai alors mon Amie vous informer plus positivement sur ce que Je compte faire. Ce Pays cy est beaucoup perfectionné pour tout, et Je vous Jure que Je n’aurai aucune Envie de retourner en Europe si vous etiez ici. Le Pays, les Manieres, la societé, tout, ont surpassé l’idée que Je m’etois formée avant de quitter Paris. Nous n’avons point il est vrai des spectacles a Philadelphie parceque le Gouvernement les croit prejudiciables aux Moeurs, mais il y en a New York et dans d’autres villes du Continent. Vous savez que ce n’a jamais été les spectacles qui m’ont attiré a Paris—aussi Je m’en passe a merveille, et ne m’ennuye jamais que lorsque Je pense que vous n’étes pas ici. Et pourquoi n’y etes vous pas? Je suis arrivé hier d’une Terre que J’ai a six Lieux d’ici, dans les Jersies, un Endroit charmant. Je me suis souvent dit en le parcourant, Que Je serai heureux de vivre ici avec ma Blanchette! Non rien au Monde ne manqueroit a mon Bonheur! J’ai deja reçu des Lettres de la France mais point de ma Blanchette ce qui me rend bien triste. M’aurait-elle oublié? Non cela n’est pas possible. Dites le moi dont bien vite. C’est de ces Choses qu’on ne sauroit trop repetter. Mr. Le V. me marque le 10 Aout qu’il n’a pu encore vous faire tenir la lettre que Je lui ai remise en Angleterre. J’espere qu’elle vous parviendra enfin. J’addresse toujours mes Lettres a l’Adresse de St. G.—marquez moi particulierement celles que vous recevez, et si vous desirez que Je me sers d’un autre moyen pour vous les faire tenir. Ecrivez moi enfin très en detaille, surtout marquez tout ce qui vous regarde ainsi que notre petit. A t’il enfin des Cheveux? Car enfin il faut en avoir. C’est d’ailleurs un signe de santé et de vigueur, ce qui ne laisse pas que de bien faire. Je suppose que vous etes dans ce Moment à St. G. mais que vous faites de plus frequentes visites a Paris et meme a Passy, qu’avant mon Depart.
Mon Gd. Pere et Benjamin, qui sont les seuls de notre famille que vous connoissez se portent bien. Vous savez que mon Ayeuil est élu Gouverneur de la Province. Il auroit voulu vivre en repos mais on n’a pas voulu absolument. On a pretendu que c’etoit très necessaire pour la Prosperité de l’Etat, il a cru ne pas devoir se refuser aux solicitations de toute la Province. Je vous ecris très a la Hate attendu qu’on doit dans peu venir chercher mes Lettres, et que J’ai plusieurs autres a ecrire. Adieu, ma chere et tendre Amie, de grace ne manquez pas de m’ecrire. Ma santé est parfaittement revenue ainsi que mon Embonpoint. Je sçais que ces detail ne vous sont pas indifferents. Donnez m’en de pareils sur vous—vous serez bien aimé de votre affectioné Ami.
Rapellez moi au souvenir de notre bonne L[?] que Je voudrais aussi avoir ici. Le petit M. seroit aussi utile dans le menage. Adieu.