Je suis un officier du Régiment d’Anhalt dans lequel je suis entré depuis peu, attiré par l’espoir d’une campagne prochaine. J’esperois m’y rendre utile, et que mes services recompensés m’attacheroient à ma patrie. Livré à l’étude dès mon enfance, je me suis attaché par gout à celle de l’art militaire, dans la partie du génie et de l’artillerie, et j’y ai reüssi assez pour satisfaire les gens du metier. J’aurais bien du regret, si je ne trouvois jamais l’occasion de faire usage de mes conoissances, d’autant plus que des loix auxquelles je me soumets sans les examiner m’interdisent l’entrée dans le corps du génie militaire de france. Si je pouvois être utile aux Etats d’amérique, j’ai l’honneur de leur offrir mes Services avec le plus grand plaisir. Né sans fortune, habitué à m’en passer, le desir des richesses est une passion que j’ignore, il n’en est pas de même de l’honneur. Celui auquel je puis pretendre actuellement dans ma patrie me semble bien obscur. Je ne vois pas un bien grand mérite à être entraine de grade en grade avec une lenteur désespérante, et je crois qu’on ne peut guerre être flatté par un avancement qu’on ne doit qu’au temps. Voici Monsieur, ce que j’ai l’honneur de proposer, si vous jugez à propos de m’attacher au service des Etats d’amérique.
Mon voyage en amerique sera aux frais des Etats jusqu’a ce que je sois rendu à l’armée à laquelle on voudra m’attacher. Je servirai ensuite pendant trois mois sans nuls apointements. Je prens ce temps pour prouver que je puis remplir toutes les fonctions dont on me chargera, et j’espère qu’elles se presenteront, du moins la plupart, dans cet intervalle, apres ce temps, si j’ai mérité l’aprobation des généraux, on m’acordera des apointements.
Je serai employé le plus souvent que je pourai l’être suivant mes forces et ma capacité.
Après la guerre, si je veux retourner dans ma patrie, mon voyage seulement sera aux frais des Etats; et si les Etats jugent à propos de m’attacher à leur service, je ne demande rien de plus qu’une pension de douze cents livres à ma famille en france, qui leur sera aussi accordée si je péris dans la guerre.
Si ces propositions vous plaisent, Monsieur, j’ai l’honneur de vous prier de me le faire savoir, et de m’acorder toutes les suretés necessaires tant pour le voyage que pour l’arrivée. Votre mérite que j’admire avec tout le monde m’est garant que vous secondez les efforts de tous ceux qui cherchent à en aquerir. Mais quoiqu’il en soit, vous m’obligerés infiniment si cette démarche est ignorée si je reste ici, je serois faché que M. le prince de Salm commandant de mon Régiment sut que j’ai voulu le quitter, et autrement je veux eviter les adieux de certains amis auxquels je pourois succomber. En attendant une reponse dont je me flatte que vous voudrez bien m’honorer, j’ai l’honneur d’etre avec le plus profond respect, Monsieur, Votre très humble et tres obeissant serviteur