L'incluse pour le Congrès vous apprendra ce qui se passe ici, & l'extrait ci-joint les dispositions & les intentions du Congrès à mon égard Je tiendrai note des fraix que m'occasionneront ces ordres, & m'en prévaudrai, discretement, toutes les fois que je tirerai sur vous pour l'ordinaire.
Il y a lieu de croire, que cette semaine & la suivante seront interessantes ici, & qu'il se prendra enfin des résolutions importantes.
L'impossibilité, Monsieur, de subsister ici avec mes appointe-mens, trop modiques en tout temps, & sur-tout depuis que tout a si fort renchéri par la guerre, nous a fait prendre un parti, à mon Epouse & à moi, facheux pour nous, mais nécessaire, afin d'évi-ter notre ruine, c'est de rompre notre Ménage, & quitter la maison que nous habitons ici depuis vingt ans. J'ai donc loué pour moi seul des chambres ici pour May prochain, & ma femme & ma fille habiteront une petite Campagne que nous avons en Gueldre. Cette séparation est facheuse en ce qu'elle nous prive des douceurs de vivre ensemble, dans un temps où nos secours mutuels, & le séjour de la ville, au moins en hiver, est de plus en plus nécessaire aux infirmités de mon Epouse & à l'Education de mon Enfant. Mais elle est nécessaire, pour éviter notre ruine. Si j'ai donc paru, Monsieur, m'être relaché depuis quelque temps de mon ancienne diligence à vous écrire, ne l'attribuez qu'à la situation désagréable où j'ai été, & où je me trouve encore, à nombre d'égards, & qui est souvent allée jusqu'à perdre presque le courage, & le goût de la vie. Je tâcherai de faire mieux, à mesure que je me trouverai plus tranquille. Je suis avec tout le respectueux attachment, qui vous est voué pour toujours, Monsieur, Votre très-humble & très-obéissant serviteur