Votre lettre, mon amy, m’a fait le plus grand plaisir elle a sans exception intéréssé vivement tous ceux a qui je l’ai lue, la récéption du grand homme dont vous avez l’honneur destre le petit fils est le spéctacle le plus sublime que mon imagination puisse me fournir, je vous en souhaite dans une vingtaine dannée une pareille. Ce qui m’a flatté surtout en recevant vostre lettre c’est qu’elle me prouve que vous ne m’avez point oublié, que vous m’aimez toujours et que vous estes persuadé que jay les mêmes sentiments pour vous. Soyez sur que je les aurai toujours et que les temoignages que je recevrai de vostre affection, les nouvelles que je recevrai de ce qui pourra vous arriver d’heureux contribueront pour beaucoup a mon bonheur.
J’aurois desiré, mon amy, que vostre lettre en refermât une autre, aussi courte que vous l’auriez voulu; vostre silence a causé du chagrin, mais on m’écrit qu’on vous pardonne en faveur de vostre heureuse arrivée, c’est une maniere de vous rendre encore plus coupable.
Melle Brillon est mariée du 20 de ce mois a Mr. Vialal de Malachelle conseiller de la cour des aides, il doit quitter cette charge pour occuper celle de Mr. Brillon, il est fils unique et on donne a ses pere et mere cinquante mille livres de rente, vous souhaites sans doute comme moy que cette tres aimable personne soit heureuse.
Tous nos amis communs, y compris ma famille se portent bien et vous aiment tendrement, je vous ai deja écrit et envoyé deux paires de sabots, mais comme je ne les ai pas trouvés tres bien, je vous en fais passer deux autres, les talons de ces derniers sont un peu hauts mais il sera facile de les rogner. J’aurois pu faire partir aussi par le vaisseau que Mr. Limosin envoye les chevreuils, mais j’ay craint de les exposer a la mauvaise saison, et les entendus en ce genre s’y sont opposés; je vous ai mandé qu’il y en avoit en canada et que Mr. de Bougainville m’avoit assuré qu’il y en avoit tué plusieurs fois.
Point de nouvelles ici, le procès du cardinal de Rohan ne sera jugé qu’a la rentrée du parlement; il est toujours a la Bastille.
Adieu mon amy aimez moy toujours comme je vous aime, embrassez pour moy benjamin et rappellez moy au souvenir de Messieurs Williams, houdon et le Ray, madame de chaumont revient ces jours cy a Passy.
On a porté chez Mr. Grand les volumes de la petite biblioteque du théatre, il vous les fera passer, j’aurai soin de retirer l’autre livre pour lequel vous avez du payer 6 l.t..
Mr. Lefranc a quitté sa femme il y a 6 semaines pour aller vivre avéc une escatin dont il a des enfans et qui le ruine, il laisse a madame lefranc ses trois garçons qui viennent davoir la petite vérole, ils sont separés de biens, mais je viens d’apprendre qu’il veut revenir avéc elle et qu’il doit rentrer dans la maison, dans sa chambre et peut estre dans son lit vendredy. Cette pauvre femme est bien malheureuse!