Quelques uns des mémoires de la Société de Berne, envoyés à la Société pour Lencouragement des Arts à Londres, ayant été perdus, je n’ai pu retrouver le fait, que je cite dans mon mémoire; mais celui qui suit, me paroit y avoir assez de rapport, pour m’engager à vous l’envoyer. Il est tiré d’un écrit de M. Muret sur la population, inséré dans les mêmes memoires de Berne de l’année 1766.
“En prenant differrentes annees l’une dans l’autre (voyez la page 100), la mortalité annuelle,(1) se trouve toujours plus grande dans les villes, (proportion gardée du même nombre d’individus) que dans les campagnes. La raison en est que dans les villes, les habitans sont, pour ainsi dire, entassés dans leurs maisons, comme dans des prisons, et n’y respirent pas cet air pur qui ranime et qui fortifie les gens de la campagne. Une ville est en quelque façon un séjour contre nature pour l’homme.(2)
Cependant, on demandera comment arrive-t-il, que dans les années d’Epidémie la mortalité suive une loi toute contraire car leurs ravages sont toujours moins considèrables dans les villes, que dans les campagnes. J’ai vu cent enfans attaqués de la petite vérole dans les villes, et qu’il n’en mourroit que sept ou huit; tandis que dans les villages, la mortalité causée par cette maladie, est dans une bien plus grande proportion. Je suis fort porté à croire que cette diffèrrence vient, de celle des habitations des pauvres dans les villes, et à la campagne.
Les pauvres dans les cités, et dans les grandes villes demeurent dans des maisons, qui originairement, n’étoient pas faites pour eux;(3) mais qui par leur ancienntté, et le laps de tems ne pouvant être réparées, jusqu’a un certain point, leur sont abandonnées comme n’etant plus propres à loger des gens plus à leur aise. Leurs Logemens par là sont spacieux, les portes et les fenêtres y fermant très mal, l’air y entre, et y siffle de tous les côtés, et les chambres en sont en conséquence froides comme glace. On a pitié de ces pauvres gens, qui habitent des maisons si délabrées, tandis que ce même délabrement devient la cause de leur Santé, et facilite leur guérison, touttes les fois que les maladies regnent.(4)
Dans nos Villages, les habitations des paysans sont precisément le contraire. Leur chambres sont petites, et bien fermées, le plancher en est bas, et les fenêtres y sont petites, lair y est étouffé, on y éprouve une chaleur insupportable, et une odeur capable d’empoisonner. Deux heures de séjour dans ces [ ] suffisent pour rendre malade un homme en bonne santé, et pour faire mourir celui qui est deja malade. Ce n’est pas tout: nos paysans, par une coutume malheureusement trop commune parmi eux se tiennent toûjours couverts, et très chaudement dans leur lit surtout lorsquils sont malades. Dans leur chambres, il y a ordinairement deux ou trois lits; le linge sale est pendu le long des murs; le manger est étalé sur des tables ou serré dans des armoires attenantes. En voila beaucoup plus qu’il n’en faut selon moi, pour que les Epidémies causent beaucoup plus de ravages dans les Villages que dans les Villes.(5)
Mais si on avoit soin, d’etablir les maisons des paysans dans un terrein sec, d’en écarter les immondices et les fumiers; si on les rendoit plus aërées etc.; je ne dout pas d’un moment, qu’on ne vit bientôt les Epidémies y être moins fatales, qu’elles ne le sont aujourdhui.” (1) Note du traducteur. Cette observation est constante et se retrouve dans presque tous les auteurs qui ont écrit sur les tables de mortalité. Il y a des villages où la mortalité annuelle n’est pas d’un sur quarante tandis que dans les villes est d’un sur 30 tout au moins. (2) Note du traducteur. Les anciens Germains appelloient les villes les tombeaux des hommes. (3) Note du Traducteur. Ce que dit l’auteur de cet ecrit prouve combien on court risque de se tromper par des observations trop générales. Interrogez tous ceux qui ont écrit sur ces matières ils vous diront que dans les villes les pauvres y sont tellement entassés dans de petits reduits que c’est une des causes les plus générales de leurs maladies et de la difficulté de leur guerison quand ils en sont attaqués et voila qu’en Suisse les pauvres habitent dans les villes, dans d’anciennes maisons abandonnées, d’ou il résulte que leurs habitations sont beaucoup plus saines que celle des pauvres qui habitent les villes dans d’autres pays. (4) Note du Traducteur. Cette observation est entierement d’accord avec celle qui a été rapportée dans les notes de l’ecrit de M. Small ou l’on cite le Dr Brocklesby sur ce qui arriva a l’Ile de Wight en 1758. (5) Note du Traducteur. Quoique ce qu’avance ici l’auteur paroisse en effet une cause très propre à rendre les maladies plus dangereuses chez les paysans de la Suisse, ou du canton de la Suisse auquel se rapporte ses observations, que chez les pauvres des villes de ce pays cependant il semble que ce n’est pas encore là la vèritable cause puisqu’on remarque en france en angleterre et ailleurs que les Epidémies sont toujours plus meurtrières dans les villages que dans les villes et où certainement les paysans ne sont pas dans des chambres si bien fermées si chaudes etc. etc. Il faut donc rechercher cette cause dans quelqu’autre pratique ou effet qui appartienne aux gens de la campagne.