J’ai reçu avec la lettre que vous avés eu la bonté de m’écrire le 7e tout ce qui y étoit contenu; recevés en mes bien sinceres remerciments, ainsi que ceux du comte guillaume pour l’exemplaire de votre traité définitif.
D’après la gazette de philadelphie que vous avés bien voulu m’envoyer, cette révolte n’étoit l’ouvrage que de quelques mauvaises têtes, et point du tout celle de l’armée: il sembleroit même que le congrès s’est un peu pressé de quitter philadelphie: mais suivant le rapport d’une goëlette américaine arrivée à L’orient, il y a une quinzaine de jours, tout étoit pacifié et il paroissoit que le congrès alloit retourner à philadelphie, sur l’invitation de tous les citoyens: si vous avés eu des nouvelles par cette goëlette, veuillés m’en faire part, et je vous promets d’en faire usage.
Tout étoit encore tranquille en pologne et sur le Danube dans les premiers jours de ce mois; je serois donc tenté de croire que les russes et les autrichiens n’entameront point cette campagne d’Hiver dont on leur a supposé le projet qui me paroit avoir bien des difficultés dans la saison actuelle, par la quantité de rivieres qu’il faut passer et ensuite de montagnes qu’il faut traverser: cela posé les Turcs gagnent du temps et c’est beaucoup dans la position ou ils se trouvent. D’un autre coté il se pourroit que la france la seule puissance sur laquelle ils peuvent compter, leur eut dit—Les russes se sont emparés de la Crimée et du Cuban; vous ne pouvés reprendre ces possessions: Les autrichiens selon toutes les apparences vont vous redemander la Servie que vous ne pouvés défendre; cédés aux circonstances et faites en naitre de plus favorables, en attendant que nous puissions vous secourir efficacement; nous ne le pouvons dans ce moment-ci à la fin d’une guerre qui a exigé de notre part les efforts les plus vigoureux. De ce point de vue je conclurai que les russes garderont la Crimée et le Cuban et que l’empereur recouvrera la Servie que l’empereur charles VI perdit par le Traité de Belgrade en 1739.
La Bonne et respectable Douairiere fait les plus tendres amitiés à votre Ayeul et à vous aussi, mon bon ami; elle seroit assés bien, s’il lui étoit possible d’avoir moins d’inquiétude pour sa fille la Comtesse Elisabeth qui depuis un an prend, quitte et reprend la fievre; elle est devenue quarte depuis quelques jours et hier elle a eu son troisieme accès.
Vous aurés surement entendu dire que des ordres avoient été expédiés pour armer une escadre à Toulon; j’en doute encore; mais en même temps on mande que le gouvernement avoit des esperances assés bien fondées de prévenir l’orage qui depuis si long-temps se forme sur la mer noire. Ainsi soit-il!
Veuillés présenter à Mr. Franklin l’hommage de mon tendre respect et recevés, mon Bon ami, les assurances de la fidelle amitié que je vous ai voué pour la vie.