Rendons comme me l’écrit tres bien une dame de vostre connoissance, mon cher amy, rendons le bien pour le mal, il ne nous écrit point, écrivons toujours, enfonçons le jusqu’au col dans son tort. Elle croit que c’est le demon de la culture qui vous possede, que vous estes devenu le plus assidu, le plus laborieux agriculteur, a la bonheure, moy je crois que vous avés quelque raison plus forte, et qu’il est impossible que des choux et des navets vous fassent oublier cette france et vos amis qui vous aiment et que vous aimiez tant, peut estre que dans un moment de tranquillité vous vous en estes deja souvenu ou que vous vous en souviendrez.
Pour le grand Papa l’ancien monde est devenu si ancien pour luy qu’il le tient pour mort en dépit des signes de vie qu’il luy a donnés, dites luy que nous souhaitons que le ciel le rende heureux qu’il ne le punisse pas de son ingratitude et que nonobstant nous l’aimerons toujours.
Benjamin ne se souvient absolument plus qu’il y a un autre monde, adieu donc mes amis.
Madame de Chabot est morte il y a un mois, on a d’assez bonnes nouvelles de Mr. Brillon, il est a Nice ou il passera sans doute l’hiver.
Il se prépare un grand evenement ici le Roy a nommé environ cent quarante personnes de toutes les parties du Royaume pour composer une assemblée de notables, 7 archeveques arles, Bordeaux, Toulouse, aix, Paris etc. 7 evêques; autant de duc et Pairs, MM. de Nivernois de chabot de la Rochefoucauld etc. de grands seigneurs, Messieurs d’Estaing, de la fayette etc. tous les Premiers présidents et procureurs generaux des cours souveraines et les Maires de 22 villes, l’assemblée d’abord indiquée pour le 29 Janv. a Versailles est remise dit on au 9 fevrier, le Roy veut la consulter et avoir son avis sur ses vues et ses projets pour le bien de la nation.
Adieu mon cher amy, je vous aimerai toujours malgré vous, tous les miens pensent de même, cependant ils sont plus fâchés que moy, car je vous pardonne.