Copie de la Lettre de M. de Sartine à Mr. Le Comte
de Vergennes a Versailles le 10. Juin 1780.
J’ai l’honneur de vous envoyer, Mr, La Copie d’une Lettre qui
m’a été a dressée par M. l’ambassadeur d’Hollande au sujet du
navire Hollandois la Flora pris par le Corsaire américain le
Prince Noir et conduit a Cherbourg. Je vous prie d’en conferer
avec Mr. Franklin de maniere qu’il soit donné satisfaction aux
états Unis d’un procedé aussi irrégulier que celui que ce Corsaire
a eu vis a vis d’un navire appartenant à une Puissance neutre et
alliée de la France. Si le Conseil des Prises eut pris
connoissance de cette affaire, il auroit probablement fait
relacher la Flora, mais vous savez, Mr, que cette Commission
s’abstient de juger les Prises faites par les Corsaires americains
qui sont remises à la Disposition de Mr. Franklin. Vous étes déja
instruit des inconvénients qui résultent de ce que des Corsaires
Américains armés, comme le Prince noir, par des François, ne sont
pas sujets aux mêmes formes que nos Corsaires et soumis à la même
Legislation. Ces abus sont developpés dans le mémoire que j’ai
chargé M. Chardon de vous remettre, et pour lequel la Justice
ainsi que les Intérets des sujets du Roi sollicitent egalement un
reglement.
Copie d’une Lettre écrite par M. L’ambassadeur de
Hollande à Mr. De Sartine le 22. May 1780.
M, Le Navire Hollandois la Flora, Capitaine Hendriet Roodenburg,
parti de Rotterdam pour compte Hollandois, et destiné pour Dublin
chargé de graine de Lin, de Semences de Trefles, et autres
articles également Innocens a été pris et amené à Cherbourg, par
le Corsaire Américain le Black Prince, Capitaine Dowling, et y est
detenu, il y a plus d’un mois.
Tous les Papiers sans Exception d’un seul qui prouvent la
Proprieté Hollandoise et qui soyent necessaires à la Mer, sont
dans l’ordre le plus exact sur le Navire la flora.
Le Corsaire Americain a été équipé à Dunkerque il a non
seulement méprisé le Pavillon Neutre, l’Exactitude des Papiers,
mais à l’Exception de deux Hommes, il a forcé L’Equipage
Hollandois, a commencer du Capitaine à passer à son Bord, l’a
conduit a St. Valery pendant qu’il a amené le navire à Cherbourg.
Je demande à votre Excellence si semblable procedé doit être
toleré, surtout de la Part d’un Corsaire Americain vis a vis le
Pavillon d’une puissance neutre.
Si telle Jurisprudence fût introduite, votre Excellence voudra
bien convenir qu’elle seroit contraire aux Intentions du Roi.
Tel Corsaire François, retenu sous son Pavillon dans les justes
bornes par les ordres de sa Majesté commettroit impunement excès
sur excès sous Pavillon Americain. J’ose me flatter que votre
Excellence goûtera mes Raisons et qu’elle fera en consequence
expedier des ordres prompts et positifs, pour que l’Equipage
Hollandois soit rendu a bord du Navire la Flora, le Capitaine
Hollandois indemnisé des frais de Retard que le Capitaine
Americain lui a occasionné, et le Navire la Flora remis en liberté
pour suivre sa Destination.
J’ai l’honneur d’être etc.