Il vous souvient de cette bonne Dame
Qui perdit son Chardonneret;
Pas si bonne pourtant, puisqu’elle l’enchainoit,
Et qu’un ardent courroux s’empara de son ame:
Car je n’ai raconté que la moitié du fait.
Voici la suite. On vint lui dire
Ce qu’avoit répondu l’Oiseau:
Que, d’un joug si pénible échappé bien et beau,
Il ne vouloit jamais rentrer sous son empire.
Alors la Dame, hors de sens,
De bâtons fait armer ses Gens,
Et des chardonnerets jure la perte entiere.
Elle même prend une pierre,
Et court les assaillir dans l’épaisseur d’un bois
où l’Oiseau trop longtems privé de tous les droits
De l’amour et de la nature,
Etoit fêté des siens, qu’avoit mis aux abois
Une captivité si dure.
La Dame avec ses Gens y retourna vingt fois;
Vingt fois le Peuple aîlé se moqua d’eux et d’elle.
Quelques nids cependant, atteints par la cruelle,
Périrent avec les petits.
Ce dernier trait, hélas! passe toute croyance.
Mais je l’ai lu dans maints écrits.
Femme dénaturée! Attaquer jusqu’aux nids
D’un innocent amour douce et frêle espérance.
Ah! Le Ciel te regarde; il saura t’en punir.
Le Ciel eut en effet horreur de cette guerre,
Où des milliers d’Oiseaux avoient tant à souffrir.
L’Aigle, à qui Jupiter a remis son tonnerre
Descend vite les secourir
L’Aigle sauve à jamais, et nids, et pere, et mere,
Enfin, tout le pays, domiciles et gens,
Que désoloit une Mégere.
Et l’on ose douter qu’ils soient reconnoissans.
On connoît mal leur caractere.
L. A. ***