M[a]d[am]e La C[om]tesse de Villeneuve Cillart demeurant à Tréguin en Bretagne, parente de M. L’évêque d’autun ministre de la feuille me charge d’avoir l’honneur de vous voir de sa part, et de vous demander s’il seroit possible qu’un jeune homme bien né, qui a beaucoup de talent et de connoissance et qui brule du desir de prendre les armes pour la deffense de votre patrie, pouroit passer à l’amérique sur un de vos vaisseaux qui est actuelement en relâche au port de Morlaix, et si, à son arrivée, il pouroit se flatter d’être emploié en qualité d’officier sur une lettre de recommandation que M[a]d[am]e de Villeneuve vous prieroit de lui donner, ou même avec un brevet de lieutenant ou sous-lieutenant. Le jeune homme se nomme pierre Nérot, il est grand bien fait, leste et d’une belle figure. Son ardeur est telle qu’il seroit très fâché de manquer le navire, et il s’y seroit embarqué au hazard d’être agréé pour officier ou ne l’être pas si M[a]d[am]e De Villeneuve ne l’eut engagé à attendre la réponse à la lettre qu’elle m’écrit et qui est du 24. de ce mois.
Si vous jugez à propos que j’ai l’honneur de vous voir, Monsieur, je suis à vos ordres. Aiez la bonté de me donner votre jour et votre heure, je me rendrai auprès de vous pourvu que ce ne soit pas après demain, car ce jour là n’est pas à moi, je l’ai engagé avant d’avoir reçu la lettre qui me procure l’honneur de vous adresser celle-ci; si une de vous suffiroit, je vous suplie de me la faire parvenir demain si vous le pouvez, afin que je puisse proffiter du courier de lundi. Je puis vous assurer que votre lettre ne tomberoit point entre les mains de vos énemis, s’il arrivoit que le vaisseau fut pris, le jeune homme qui en seroit porteur est très intelligent et fort adroit.
Suposant que vous m’accordassiez unedes deux chose que je vous demande, je vous prierai de permettre que j’aille vous en faire mes remerciemens et vous assurer de la profonde vénération avec laquelle j’ai l’honneur d’être, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur