Les Vaisseaux le Robuste de 74. canons commandé par M. de la Motte piquet, le fendant de 74. par M. de Vaudreuil et le Roland de 64. par M. duplessis parseau sont sortis de la Rade le 10. pour aller croiser: on ignore précisement quels sont leurs ordres; mais les capitaines paroissent décidés à ne rien souffrir.
La frégatte la belle Poule, qui etoit à l’entrée de la rivierre de Bordeaux pour protéger le commerce, et la Danaé qui étoit à l’embouchure de la rivierre de Nantes pour le même objet ont eu ordre de se joindre à ces trois vaisseaux.
La frégate le Zéphir est partie hier pour aller escorter jusques sur les côtes d’Angleterre le bâtiment anglois que je vous avois dit dans ma derniere lettre être entré dans notre rade démâté d’un de ses mâts et après avoir jettés ses canons à la mer. Ce n’étoit pas un corsaire comme nous le présumions, mais un navire destiné à la traite des nègres et montant 16. canons. Il avoit été en effet chassé par des Armateurs américains et battu par la tempête. Comme il craignoit que l’américain qui l’avoit chassé jusqu’a Ouessant ne l’attendit à sa sortie, il a demandé d’être escorté jusqu’a la vüe des côtes d’Angleterre ou il va se réarmer, et on lui a accordé cette grace. De là le Zéphir doit aller rejoindre les vaisseaux en croisière.
Les Vaisseaux l’actif de 74. canons commandé par M. de Monteil et le Bizarre de 64 par M. de Montécler, ont reçu ordre hier, de se disposer a partir au premier jour avec quatre mois de vivres. Les frégates la Licorne et l’Aigrette seront prêtes à la fin de la Semaine. On ignore la destination de ces bâtimens et de la frégate la Pallas qui arme à St. Malo. On présume qu’ils iront joindre les trois autres vaisseaux et les frégates à leur croisiere.
On a mandé des differents départemens, des ouvriers de toute espece, cordiers, voiliers, charpentiers, calfats, tonnelliers etc. Il y a des levées considerables de matelots, ordonnées.
On vient de mettre sur les chantiers les quilles des deux vaisseaux de 80. et 74. canons, ordonnés. On construit dans les autres ports avec la même activité. Si cela n’est pas encore la guerre, cela en a bien la mine. D’ailleurs on travaille à armer les batteries qui servent a défendre la rade, et nous avons les ordres les plus précis de les mettre en Etat le plustot possible. Il paroit que le Gouvernement craint quelque attaque imprévüe de la part de nos bons amis les Anglois qui seroient bien gens à nous jouer quelque mauvais tour s’ils le pouvoient impunément. De plus, ordre de redoubler de vigilance dans la garde du Port de la Rade. Ordre à la terre de fournir à la Marine des détachements d’ouvriers ou autres pour les différentes opérations, suivant le besoin. Nos chefs sont tous à Paris et leur retour que l’on dit avancé, sera une preuve bien certaine de mouvements extraordinaires.
Vous voiés par tout ces détails que, si la guerre n’est pas certaine, nous nous preparons du moins à la faire avec vigueur.