J’ay eu l’honneur de madresser à votre excellence il y a environ huit mois pour réclamer auprés de votre Justice une grace que j’osais esperer d’aprés le tableau que je vous exposois de l’etat facheux dans lequel je suis reduit par la blessure que j’ay reçuë au Siege d’york en Virginie. Je présume que le memoire que je vous adressay a ce sujet ne vous est point parvenû; je prends la liberté de Vous rénouveller les memes sollicitations et de Vous supplier de vouloir bien faire attention aux titres qui m’autôrisent a demander l’honneur d’etre admis dans l’ordre de Cincinnatus.
Les Marques de distinction militaire semblent etre naturellement dévolües au guerrier malheureux à qui le sort des armes ne laisse dautres satisfactions que celle de pouvoir se présenter avec les témoignages honorables de l’estime de la nation pour laquelle il a versé son sang; tel est mon état, Monsieur; privé à l’age de vingt un ans des trois quarts de la machoire, et de l’usage d’un oeuil qui me furent enlevés par un eclat de bombe que je reçûs à la figure, je n’existe depuis trois années que pour eprouver de plus en plus les douleurs les plus cuisantes, et les privations les plus dures. La perte d’une grande partie de la machoire, presque celle de la Vuë et de l’oüie, des souffrances continuelles, ont été le fruit de Trois campagnes que j’ay fait sous les ordres de Son Excellence Le Général Washington dans l’armée de Monsieur Le comte de Rochambeau. L’établissement de l’ordre de Cincinnatus m’a laissé entrevoir l’espérance de pouvoir adoucir l’etat désesperant dans lequel je suis reduit, par une récompense que l’opinion publique consacre. Je madresse à votre excellence pour l’obtenir, et j’espère que Votre humanité ne se refusera pas a me faire participer aux honneurs auxquels l’existence malheureuse que j’ay acquis au service des Etats unis semble me donner des pretentions. Jay lhonneur d’etre avec le plus profond Respect Monsieur Votre trés humble et trés obeissant serviteur