Vous connoissés, monsieur, tout mon dévoûment à la cause que vos compatriotes défendent avec tant de courage et tant de gloire; vous ne devés donc pas douter de la peine que j’ai ressentie en apprenant le malheur arrivé au général gates. Il faudra sans doute rabattre de la relation publiée par la cour de Londres; mais il ne me paroit pas moins important d’informer l’europe de la vérité des faits le plutôt possible: il est vu surtout un papier public vendu aux anglois (la gazette de cologne) qui est fort répandu en allemagne, et qui déja a commencé à parler de l’affaire de camden de la maniere la plus allarmante et même la plus injurieuse à votre nation; il ne parle rien moins que de la réduction de la Virginie et du Maryland, il dit gauchement que 2000 anglois suffisent pour battre 7000 américains, et finit par dire que quoique la france fasse de belles promesses à Mr. Franklin, il n’en a pu tirer un Louis, et qu’elle doit garder toutes les conquêtes qu’elle fera. Il est aisé de sentir d’ou partent ces traits; mais il faut les repousser; veuilles donc monsieur, me mander le plus promptement que vous le pourrés, ce que vous pouvés me dire relativement à l’affaire du général gates et à ses suites, et concernant Mr. Laurens. Vous devés ensuite être bien certain de la maniere dont elle sera présentée en allemagne. Si vous me répondés promptement, je peux recevoir ici votre réponse, et j’aurai le temps de la paraphraser et de la répandre.
Mde. la Douairiere des deux-ponts fait mille et mille amitiés à Mr. votre pere; elle l’embrasse et vous aussi. Veuillés lui présenter l’hommage de mon tendre respect.
Je finirai sans compliments qui ne sont bons à rien; mais je vous renouvellerai avec plaisir les assurances de la sincere amitié qui m’attache à vous pour la vie.