Rodolphe-Ferdinand Grand to William Temple Franklin (unpublished)
April 2, 1788
Mon cher Monsieur,

J’eus l’honneur de vous écrire le 22 decembre passé, je vous accompagnai l’extrait que vous aviez désiré de votre compte qui étoit soldé par appoint, et je vous informai que vous aviez encore en mes mains un billet de l’Emprunt de 125 millions, il y reste de plus 2 billets de la loterie d’octobre 1780.

Je vous remis aussi pour votre curiosité par cette même lettre un Edit de notre dernier Emprunt, depuis me sont parvenues les lettres dont vous m’aviez favorisé le 18 novembre et le 9 décembre. J’y ai remarqué que vous aviez fourni sur moi une traite payable à Londres de £100 à 60 jours de vue, ordre Bash and Shée qui sera bien accueillie quand elle paroitra.

J’espère que vous aurez reçu mes envois des objets que vous avez demandés. J’ai remarqué seulement avec peine la longueur éternelle de votre Tailleur à exécuter la Commission que vous lui avez donnée. J’aurai soin que l’on vous fasse moins languir pour l’avenir.

Il est bien naturel que je m’occupe de ce qui peut vous être agréable puisque vous vous efforcez de me donner des témoignages d’amitié dans des objets très importants pour moi. Je veux parler de l’affaire de M. Barclay. Je ne saurois assez vous remercier du zèle avec lequel vous avez bien voulu vous porter à assurer mes droits. Cette créance est assez importante pour m’avoir justiffié auprès de vous Mon cher Monsieur, de l’avoir confiée dans les mains auxquelles je pouvois avoir le plus de confiance, c’est-à-dire les vôtres. Je sais que c’est une Commission fort importune, mais il étoit interessant pour moi d’avoir recours à un ami particulier. Je vous en renouvelle toutes mes excuses. D’après ce que vous me faites l’amitié de me marquer, je vois que les oppositions nécessaires ont été faites, tant à Philadelphie que dans le Buschs County. Je souhaite bien vivement que M. Barclay soit dans le cas de les faire lever promptement en acquittant la somme, car j’avoue que c’est avec chagrin que je vois ses peines, et que j’ai été obligé d’en venir à ces demarches. Cependant elles me paroissent légitimes d’après la relation fidèle que j’ai eu l’honneur de vous faire de la chose. Il y a bien longtems que je suis en débours; Le fier? Adams dépérit tous les jours dans le port de L’Orient, et au point qu’on ne le vendroit à aucun prix. On a fait tous les efforts possibles pour le vendre; et comme dans le principe on n’en trouvoit qu’un prix très borné en comparaison de l’estimation qu’en avoit fait M. Barclay, les représentans de ce dernier se sont toujours opposés à cette vente. J’ai ignoré en même tems la valeur des ternes qu’il m’avoit cedées par l’acte qu’il m’avoit transmis, et remarquant que malheureusement plusieurs créanciers poursuivoient M. Barclay, j’ai cru que j’etois fondé aussi à me présenter. Je vous laisse donc le Juge, Monsieur, si M. Barclay a droit de se plaindre de moi, je regrette néanmoins très sincèrement les malheurs qu’il éprouve, et je souhaite de toute mon âme qu’il en sorte d’une maniere satisfaisante. Si le contraire doit arriver, j’espère que les démarches que vous avez eu la bonté de faire opereront mon payement, et j’attendrai sur tout celà avec impatience de vos nouvelles, vous suppliant de me continuer vos soins, et d’en agir pour moi comme pour vous même. Je vous bonifierai avec bien de la reconnoissance tous les frais qu’aura fait M. Ingersoll,Des sommes que vous pourriez retirer, je serois très charmé que Monsieur le Docteur votre Grandpere put s’en arranger, cela seroit beaucoup plus sur pour moi, et vous dispenseroit de l’embarras de me faire des remises à l’egard desquelles si vous aviez recours je vous supplie de prendre le papier le plus parfaitement solide, quand même il reviendra plus cher.

Les nouvelles que vous nous avez données de Monsieur le Docteur franklin nous ont fait le plus vif plaisir, et nous ont bien rassurés sur ces faux bruits que l’on s’est permis de répandre dans les gazettes sur son existence. Dieu merci nos familles à une petite augmentation près sont toujours telles que vous les avez laissées et en parfaite santé. Nous avons associé M. Gautier à la suite de son travail dans la Maison, et vous trouverez cy joint la Circulaire que nous avons adressée à nos Correspondants à cette occasion.

J’attens une occasion très prochaine pour le havre pour vous faire l’envoi de la petite provision de graine de disette que vous souhaitez, et je vous fais passer séparement quelques ouvrages du jour dont quelques uns font sensation ici, et qui je crois vous interesseront. Je désirerai toujours réussir ç vous procurer quelques productions agréables de cet hemisphere. Vous trouverez cy joint la note de ces brochures.

Les apprets terribles de la guerre que les deux Empires intentent à la Porte donnent des inquietudes générales, d’autant plus que l’on n’a point de confiance dans la deffense de Messieurs les Turcs. Il faut esperer que nous conserverons ici la paix toujours si désirable àtous egards, et particulierement pour les finances.

Les ouvrages que je vous envoie sont:

1 Volume de l’Importance des opinions religieuses, ouvrage tout
nouveau de M. Necker
2 Vol. Reponse de M. de Calonne à M. Necker qui a fait sensation.
4 Vol. Vie de Frederic 2.
2 Vol. Histoire du fameux Trenck
1 Vol. Sur la derniere revolution d’Hollande.
4 Vol. Recherches sur les Etats Unis
1. Vol. Sur la presente Guerre des Turcs.

La lecture de quelques uns pourra aussi être agréable à Monsieur votre Grand Père.

Je m’appercois que je suis encore dans le cas de vous donner un embarras, pardonnew le moi parce que ce sera le dernier. Nos relations de Commerce chez vous sont a peu près cessées, et c’est ce qui est cause de cette nouvelle i,portunité. M. J. B. Ross nous doit pour solde du compte 1 ‘é. 13 tournois depuis assew longtems. Je suppose qu’il n’a pas trouvé l’occasion de nous en faire re,ise, et pour terminer, je prends la liberté de vous remettre cy joint notre traite sur lui de cette Somme, il est trop galant homme pour ne pas l’acquitter à présentation. en ce cas je suppose que Monsieur le Docteur se prêtera à recevoir cette somme pour s’en entendre avec notre Maison. Si cependant vous éprouviez quelqu’embarras à cette nouvelle Commission, endossez s’il vous plait cette lettre de change pour notre Compte à Mrs John Craig & Cie si vous les estimez solides, ou telle autre maison que vous croirez de tout repos. Mille et mille pardons de tant d’embarras.

Je vous remets encore cy joint, Mon cher Monsieur, une lettre ouverte pour M. J. Ross afin que vous soyez parfaitement instruit. Il doit bien les intérets, ils sont on ne peut pas plus justes, cependant s’il faisoit quelques difficultés que je ne peux pas prévoir, relativement à ces interêts, et que vous jugiez prudent de ceder quelque chose, je vous réitere ma priere de faire pour moi comme pour vous et d’excuser ce dernier souci.

Recevez les plus vifs embrassements de toute ma famille, et l’assurance des Sentiments sans reserve avec lesquels j’ai l’honneur d’être

Mon cher Monsieur Votre très humble et très obeissant Serviteur

F. Grand

Paris le 20 Mars 1788
p.s. Depuis le départ de cette lettre j’ai recu avec autant de plaisir que de reconnoissance vos Tresors d’A,érique, et j’ai pensé que puisque vous meubliez si bien mon Jardin, vous ne trouveriez pas mauvais que je meublasse à mon tour votre Bibliothèque, et que Monsieur votre Grand pere put (?) s’en amuser, en attendant la premiere occasion pour lui ecrire, je l’assure ici de tous mes Sentimens que vous partagez bien avec lui. Tous vos amis et les siens à l’exception de M. de Buffon qui est bien mal se portent bien, c’est ce que je puis vous apprendre de plus interessant. Pour le moment M. Jefferson est allé tater le poulx aux bons Hollandois, il doit etre de retour dans ce mois. Je reviens encore à vos arbustes qui sont arrivés bien portans, mais je ne puis en dire autant des Semences qu’il ne m’a pas été possible de retrouver. J’en suis d’autant plus faché que je regrette beaucoup la Franklinia qui est très rare ici. J’ai conservé soigneusement la terre dans laquelle ces Graines pourront peut être germer. Je vous embrasse, Mon cher ami, et vous Souhaite tous les biens que vous pouvez désirer Sans en excepter une belle et bonne femme.

Grand

Ce 2. Avril 1788.
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