From — Jalouzet (unpublished)
A chatillon sur loing le 17 aoust 1777
Monsieur,

Tous les hommes aiment la liberté; c’est le voeu secret de tout être qui respire; et on fait aisement sa patrie du pays qu’elle habite; je scay que le mot de liberté est seduisant, et qu’on entend quelque fois par elle, la faculté illimité de tout faire, cette idée de la liberté est injurieuse, et ne represente que le desordre, ce n’est point la l’acception ou je la prends. La liberté est cette divinité protectrice de l’espece humaine qui n’existe que par la loy, qui n’a de douceurs et de puissance que dans l’amour de l’ordre et des bonnes moeurs. Le moyen de rendre les hommes justes est de commencer par les rendre libres, c’est ainsy qu’on les rend heureux. Le bonheur est le prix de la vertu, et il n’est point de vertu dans l’esclavage. Frappé, Monsieur, de voir rëunis dans vos climats la sagesse a la force, la bravoure a l’humanité, l’amour de la vertu a la haine des tirans, je suis depuis longtems l’admirateur de vos concitoyens. Pourrois je, Monsieur, vous demander la permission d’aller partager avec les genereux americains les dangers de la gloire et les douceurs de la paix qui doit suivre? Pourrois je me flatter, Monsieur, de l’honneur de votre bienveillance, et passer sous vos auspices avec un etat qui put suffire et assurer l’existence d’une famille? Je suis par etat doct. Medecin et M[ai]tre en chirurgie, pourrois je obtenir de l’employ par l’une de ces deux qualités. Je prefererois de remplir les fonctions de Medecin, non point par la superiorité que ce grade donne sur l’autre, mais parceque je me suis particulierement attaché a l’étude de la medecine, parce qu’en exercant en province, les maladies qui regnent sont plus du ressort de la medecine que de la chirurgie, et en outre parce que depuis que jay fait mes cours d’operations a paris, j’ay peu operé en province. Sans me peindre avec trop d’avantage, je cherche cependant l’honneur d’etre connû de vous, tel que je suis. J’ay fait mettre une observation dans le journal de medicine du mois d’avril 1775, un memoire dans le mois d’avril et le mois de may 1776. J’ay dans ce moment deux autres memoires que j’ay promis au secretaire perpetuel de l’academie de chirurgie, qu’il m’a demandé et que je compte envoyer au premier jour. J’ay a present trente trois ans, une femme et trois enfans. Voyes, Monsieur, si tel que je suis, je puis passer en amerique, soit pour exercer l’une des deux professions cy dessus denommées, ou tel autre employ, dont vous me jugerés capable. Je suis avec un profond respect, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur

Jalouzet doct. en Med.
et M[ai]tre en chirurgie, exercant
depuis huit ans ces deux professions
par luy meme.
Addressed: A Monsieur / Monsieur franklin docteur / et deputé du congrès de / l’Amerique / A passy.
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