From — Coulougnac de Côte Belle (unpublished)
nantes le 3e. 8bre. 1783./.
Excéllence

J’ay Reçu avec une flateuse Satisfaction, la Brochure que Votre Excéllence a Bien voulu Me faire Remettre par M. Williams de Cette ville, intitulée les Constitutions des treize Etat-unis./.

La redaction de toutes Ces loix Se trouve En Géneral Conforme au plan de reflexions legislatrices que j’avais Ebauché, & C’est cequi M’a fait un vray plaisir; Cette Conformité M’annonce que je suis penetré du Caractêre américain, & que je pense d’aprés leur propres principes; Cependant il est quelques Constitutions dans Ce Code préparatif de loix que votre excéllence daignera Me permettre de refuter./. Je m’occupe des deux principales;

1o. chaque Etat S’approprie & se resérve le droit d’appliquer les impots & les taxes dans tout son district; Cette resérvation indépendante faire sans-Césse Naittre mille inconvénünt, par la diversité de treize sentiment, de treize formes de taxes, & de treize adoptions ou refus, que les impositions & Idées doivent Necéssairement presenter;

Dans un instant de Necessité urgente de fonds, Ces inconvénients arrétteront les moÿens Sur lesquels le Congrés Comptoit, En y portant obstacle; tel état se trouvera opposant, tel état Grévera son peuple de Virginie, tant dis que Celuy du Maryland jouira d’un peu plus de Modération dans L’imposition de ses taxes; la Maniére seule d’imposer soumise a la volonté arbitraire de chaque Etat, sera sans césse différente l’une de l’autre; l’adoption Ne sera jamais Génerale, les refus seront toujours particuliers, & sans césse il faudra, que le Congrés attende patiemment le suffrage de Neuf de ses Etat Sur treize, cequi Eternisera des discussions intérieures de politique et de pouvoir Entre les Etat Entr’eux, & le Congréz & les Etat, & cequi poura Nuire a la Sagésse d’un Gouvernement, par Cette seule insolidité;

Il paroit infiniment plus Convenable que le Congrés Detérmine luy meme L’impôt, tant pour sa fixation & sa Nature Génerale, que pour sa percéption uniforme dans tous les Etat, & que Ceux cy, chacun dans leur district, Exécutent & veillent a Ce plan de Création, sauf a faire leur representations au Congrés, dans un temps fixe & determiné; Mais une fois Ces representations faittes, Considerées & resolues, Neuf Etat acceptant L’imposition, tous les autres doivent S’y soumettre, & la taxe doit etre loy; j’estime donc que Limposition ainsy que la pérception doivent etre statués par le Congrés, afin qu’elles soient uniformes l’une & l’autre dans tout le Continent;

Si les Etat L’approprient le droit d’imposer le peuple, il arrivera que les Emigrations Le porteront En foule dans deux ou trois Etat, dont la Maniére d’imposer & de perçevoir les taxes Méritera la préference des Etrangers pour y fixer leur domicille, & tant dis que le sud de l’amerique regorgera de population & d’industrie (toute Concurrence Excéssive ettant surtout Nuisible au Commérce) le Nord languira dans une dépopulation sensible & dans une inaction de Negoce Ruineuse a la republique Génerale; il faut absolument une uniformité dans les impot & votre Excellence doit etre persuadée qu’on Ne peut la trouver que dans le pouvoir foederal, legislatif et Exclusif du Congrés, qui seul doit avoir droit de taxer le peuple américain, d’aprés sa justice, & la Necessité de ses Besoins;

La population plus ou Moins Grande d’un Etat a un autre, son Commérce plus ou Moins Etendu, ses posséssions plus ou Moins fertiles, doivent toujours Concourir Naturellement a Rendre son Contingent d’impot plus ou Moins Grand sur des taxes uniformes; d’ailleurs Est-il un impôt Mieux appliqué, & plus juste que Celuy pris sur L’industrie? Quand les rôles de Cette industrie sont Bien detaillés & quil sont Conformes a la verité d’etat de chaque Membre industrieux, la taxe devient un droit Naturel & Social appartenant au Gouvernement; voila En quoy doivent Consistér le pouvoir & la sagésse de Chaque republique provinçiale, de Bien appliquer la taxe Genérale du Congrés, Sur le peuple de son district, dans une proportion Egale aux facultéz de chaque individu; ==================================================

L’acte, Concérnant la Naturalisation, passé dans l’assemblée Génerale du Maryland le 22e. juillet, quoique Génereux & Encouragant En faveur des Etrangers, Me paroit Nuire a la politique du Gouvernement Genéral; pourquoy cherchér a se dépouiller mutuellement & par Concurrence Entre un Etat & un autre? Le maryland accorde quatre annés de dispensation de taxe a tout Emigrant dans le Commérce qui viendra s’etablir dans son district; la virginie va En offrir six, la pensilvanie huit ainsy du réste; chacun surchargera son peuple par Ces propositions mal Entendues, & faussement Calculées;

L’Etranger Emigrant, quelquil soit, une fois Domicilié par un Bail, une ferme, ou une propieté sur le sol, doit etre Confondu dans le rôle, & doit payér tout Comme un américain Créol; il N’y auroit que le seul Cas d’une industrie Necéssaire & particuliere dans un Etranger pour fait de fabrique oú de manufacture, qui pouroit L’Exempter de quelque taxe particuliére; point de régle sans Exception; au réste l’emigration doit etre Encouragée, pour le Bien Géneral du Continent, sans aucune prefférence dirécte pour un Etat, & j’estime qu’elle se faira asséz d’elle Meme, sans En venir a un si grand sacrifice./. ==================================================

2º. Cequi M’a le plus frappé dans Ces Constitutions, et cequi M’a fait quelque peine, C’est Cette voix présque Genérale dans chaque Etat, de Ne point Entretenir des troupes En temps de paix, & d’Ecarter le militaire, dont les talent & les lumiéres, dans un Congrés, Ne peuvent qu’influer Sur le Bien du Gouvernement, de l’ecarter, dis-je, de toutes Charges & Emplois honorables de l’administration législative; Votre Excellence Veut-elle me permettre de dire a cet Egard Mon sentiment, avec Cette franchise qui me Caractérise;

Ce Ne peut etre que par un Motif d’Economie, oú de Crainte, que chaque Etat Est d’avis de renvoyer les troupes En temps de paix, & de laisser a l’ecart du Gouvernement tout Militaire Supérieur;

Sur Ce fait L’Economie Seroit outrée, & l’entretien d’un Corps de troupes discipliné Est aussi indispensable dans un Gouvernement Naissant, que le Régime peut L’Etre Naturéllement a tout homme Convaléscent;

Un Corps de Vingt mille hommes Casernéz dans différent Etat & a la solde du Congrés, Est dautant plus Necéssaire, En temps de paix, que C’est L’epoque alors la plus favorable pour donner le Gout des armes a un peuple Né soldat, depuis l’instant de sa Confoederation d’independance; Ce Corps de troupes Entretiendra l’ordre & la discipline sous les ordres du Congrés, il presentera Sur le Champ un Etat & un sort, a vingt mille Sujets, qui ayant passé Sept a huit ans sous les armes, N’ont aucun talent pour Gagnér leur vie; Ces sujet Sont Ceux que le peuple américain doit le plus chérir; ils ont tout sacrifié pour la gloire & le repos de la patrie, elle leur est Comptable d’un reconnoissance inviolable; le dégout de la Culture, du Commérce, & d’une vie privée Ne peut qu’etre Naturel a Ces vingt mille sujet; il faut Necéssairement les Employér pour le Bien de la Comunauté, & leur service, dans les armes, Bien loin d’Etre a charge a L’habitant, lui procurera Cette tranquilité & Ce repos dont il va jouir sur ses proprietés, sous la Garde & la vigilance de Ce Corps Réspectable, qui veille toujours, quand le peuple Dort;

La politique Ministérielle a des devoirs a remplir, & C’En est un qui dispense de tout autre Commentaire;

La dépense de Ce Corps de troupes, Comparée aux Moÿens que le Gouvernement peut se procurér par une sage administration dans ses finances, En etablissant une Caisse Militaire a Cet effet, Ne peut jamais etre asséz importante pour S’y arrettér; L’honneur du Gouvérnement L’Exige & Encor plus la Circonstance; toute Economie pareille Est un vice dans L’administration;

Quant a la Crainte, elle seroit icy mal placée, parceque les Géneraux & officiers Supérieurs, ettant tous Gens d’honneur, d’apréz leur serment de fidelité & d’obéissance aux ordres du Congrés, doivent Meriter de leur Compatriotes, autant de Confiance que les Gouverneurs de Chaque Etat provincial; leur titre & qualité Militaire Ne peut jamais les Exclure des charges honnorables de deputéz au Congrès, de Gouverneur d’Etat, oú de président au Congrés; les talent & l’Experience qu’il sont Censés possedér dans leur Etat, plutot que tout autre particulier, doivent les rendre Necéssaires dans le Conseil suprême de l’administration, & dans tout cequi a rapport au département de la Guerre; C’est En temps de paix, qu’il importe de Mettre En ordre & sur un piéd respéctable chaque département, Elagner (?) tout cequi a eté précipité, & Celui lá, a Coup Sur, N’est pas a Negliger;

Votre Excéllence Me permettra-t-elle d’ajouter, que d’aprés Cet avis Géneral dans les Consitutions, touchant Cet article important, & trop legérement traitté dans Ce Code, il semble que le particulier americain, d’apréz la paix dont il jouit, Croit etre a la fin de sons ouvrage; son Caractêre le porte a N’etre occupé que du moment présent, & surtout de lui meme; il resulte de Cet Egoisme un fond d’insousciance chéz luy qui se répand dans toutes ses operations particulières & Genérales; chaque individu du Continent se fait une république dans sa famille, & Excepté les Chéfs de L’Etat; Ce Caractere Est Génerale;

Cette obsérvation Est d’autant plus vraÿe & je l’aye Si Bien Remarquée, que depuis six ans que je Commérce avec l’amerique, il N’est jamais entré dans L’idée spéculative d’aucun Negotiant américain d’achetter En Eté, cequ’il luy Ettoit indispensable de se procurer pour L’hyver; & je Conclue que C’est de Cette insousciance Caracterisée dans la Nation, que Nait le peu d’harmonie qui regne dans le Gouvernement;

Les Emigrations seules peuvent faire Changer Ce Caractere dominant peu a peu, par la fréquentation des Etrangers, & surtout des françois dont la prévoyance Est si Grande, qu’elle s’appercoit meme dans leur legereté;

Cette insousciance Ne M’a point Echappé Encor, & j’en fais l’avoeu particulier a votre Excellence, dans les instant de Gêne, oú j’ay rencontré divers americains a l’Epoque de L’Echeance de leurs Engagement; ils avoient l’ame aussi tranquille que la Bourse, quoique leur signature fut En sousiance; malgré Ce Défaut, qui En Est un tréz Grand dans le Commérce, je rends justice au Corps En Genéral, & je Crois les particuliers pleins d’honneur & de probité; Mes seuls Crédit Entre leur mains, En sont des preuves Convaincantes;

J’ay L’honneur de prévenir votre Excellence, que je Compte partir pour philadelphie sous trois Mois Environ, avec Mon Epouse, Mes Enfant, & Mon mobilier, pour resider dans le Continent a la tete d’une Maison de Commérce que je vais y Etablir sous la raison de Coulougnac savary & Ce; je Consérve en france Ma Maison de Nantes indépendamment;

Si votre Excellence veut M’honnorer de quelques léttres particulieres de Recomandation, je luy En auray une flateuse Reconnoissance, je la prie de vouloir Bien Me les adressér diréctement, & disposer de Mon départ pour tout cequi luy paroittra devoir etre utile;

Je desirerois, pendant Mon séjour En amérique, etre honnoré de la place de Consul ou d’agent du Commerce Continental avec la france, je Me flatterois de la remplir a la satisfaction des deux Nations, plutot par honneur que par interet, Mon Caractêre N’est point de Briguer, mais d’Etre Estimé./.

Je suis avec Respéct De votre Excéllence Le tréz humble & tréz obeissant serviteur

Coulougnac de Cote Belle;

A Son Excéllence Monseigneur franklin Embassadeur des treize Etat unis, a la Cour de france./.
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