Je vous Suis tres obligé, Mon cher ami, de la complaisance que vous avez eu de vous rendre a mes désirs, ne Soyéz pas inquiet de votre lettre ni de l’usage que j’en ferai, je vous donne ma parole d’honneur de ne m’en Servir qu’avec mon pere, je ne Vous la renvoye pas encor parce que je ne la lui ai pas montré, mais aucun autre que lui ne la verra. hier je lui fis parler par ma mere, et il répondit qu’il Sacrifierait tout ce qui Seroit nécéssaire pour mon avancement en france, mais jamais pour m’expatrier. c’est une excuse honnête mais qui ne me satisfait pas. je passerois pardessus cela quoique cela me généroit beau coup Si javois la Grade de Lt. colonel, que je suis sûr d’obtenir Sous peu de jours, mais qui m’est tres essentiel d’emporter avec moi, Si non a cause des Américains, au moins par rapport aux compatriotes qui toujours jaloux de ceux qui ont des grades audessus d’eux, ne manqueroient pas de tirer des conséquences dèsagréables de mon retour sans avancement. Si l’espèce de la grâce que l’on m’accorderat me permet de m’absenter de france, je me recommande toujours a vous pour un passage. a Propos de Passage, je connois une tres jolie frègate, bonne voiliere, filant ses six noeuds a l’heure suivant le Pilote qui la gouverne sur laquelle vous desirez vous embarquer—aujourd’huy pour lislle de Cythere, non pas tout a fait la même que Mr De Bouguainville a découvert, mais qui La vaut bien. je Suis chargé De vous dire quelle est bloquée et quelle ne peut aujourd’huy Se rendre au port de Ranelagh. mais elle y Sera un des jours de la semaine, attendu que le 74 qui la bloque est forcé de partir demain, et lui donnera la liberté de Suivre Sa destination Sans crainte de l’avoir dans ses eaux.

Je vous embrasse et vous félicite Votre ami pour La vie