En m’adressant a un Bostonien j’ai ozé parler en homme sans craindre que mon langage parut ridicule. J’ai donc pris tout bonnement la liberté de vous faire offre de mes services parcequ’après avoir porté les armes pendant quinze années, et vacquê dans plus d’un régiment, aux instructions militaires avec quelques succès, il est pardonnable de ne pas se croire un soldat méprisable. Je sçais, Monsieur, que l’Amérique ne manque pas de braves guerriers; mais peut-elle trop en avoir? Quant a l’aveu que je vous ai fait de mes défauts j’ai tout lieu de me flatter qu’il ne me dépréciera pas aux yeux d’un Sage qui connoit l’humanité d’autant plus que tous lés reproches, auxquels j’ai donnê occassion, ne sont rélatifs qu’a dès affaires de femmes, et que ces reproches ne me regardent plus puisque je commence a étre porteur de cheveux gris.
Je vous prie instamment, Monsieur, de vouloir bien m’honnorer d’un Oui, ou d’un Non. Si votre reponse m’est favorable je vous devrai d’autant plus de reconnoissance que le metier dés armes est mon unique ressource aprês tant d’infortunes qui m’ont accablê depuis quelques annêes. Més services et més démarches auprès des Ministres ne m’ayant procurè qu’un grade de fourrier j’ai perdu tout Espoir d’avancement dans ma patrie. Més écrits méme et lés Eloges qu’ils m’ont attiré y mettent obstacle du moins si j’en dois juger par la saisie des exemplaires de mon Soldat françois, et lés difficultés que l’on fait de me remettre cet ouvrage ou respire le plus pur patriotisme. Accordez-moi, Monsieur, une place, telle quelle, dans vos armées, et j’espere si bien faire que je ne tarderai pas a y acquérir quelque estime, rêcompense bien plus flatteuse pour moi que lés honneurs lorsqu’on n’y parvient que par la bassesse, ou toute autre protection que celle de ses services.
J’ai l’honneur d’être avec respect, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur