L’amitié dont vous voulez bien m’honnorer, Monsieur, en mesme tems qu’elle me fait gloire, me procure des personnes qui la réclament pour m’engager a vous les recommander. Voudrez vous bien me le pardonner, et accueillir avec bonté les gens qui ont eu recours a moi et que je prends la liberté de vous presenter. Ils se nomment charron, ils sont frére et soeur, l’un trés bon menuisier et trés habile dans son métier, l’autre couturiére en linge. Le déffaut de fortune, l’espoir de s’en procurer dans vos provinces par leur travail et leur adrésse, le desir de subvenir aux besoins de leurs parents vieux et infirmes, sont les motifs qui les determinent a passer en amérique. Je sais, Monsieur, de personnes dignes de foi, que ces deux jeunes gens sont trés honnêtes, que nulle mauvaise affaire ne les oblige a s’expatrier, et que vous pouvez être sur que dans les circonstances actuelles c’est une excélente acquisition pour vôtre païs. Mais comme ils sont sans fortune pourroient ils espérer que vous voulussiez leur épargner les frais du voyage ou au moins les leur faire diminuer de telle sorte qu’il ne leur en coutât pas plus qu’ils ne peuvent donner ce qui est trés peu de chose. Peut être que L’avantage de procurer dans votre patrie deux ouvriers bons, habiles, et surtout très utiles chacun dans leur genre vous fera passer sur ces frais, si considérables pour eux, et si peu importants pour la republique. Si vous jugez que la chose soit possible je vous serai bien obligée de le leur dire, affin qu’ils se préparent a partir dès qu’il vous conviendra. Mad. la marquise de luzignan qui les protége et qui en repond, ayant apris mes liaizons avec vous, Monsieur, m’a écrit a leur sujet la lettre que j’ai lhonneur de vous envoyer, vous y verrez tout l’intérét que cette dame prend a ces jeunes gens.
J’ay lhonneur d’être avec les sentiments les plus distingues, Monsieur, Vôtre trés humble et trés ob. servante