La haie 3e. Octobe. 1780.
J'eus Vendredi passé un Entretien avec notre Ami, qui sachant
que je vois quelquefois 873. 64. 610. 783. me pria de m'informer
là, S'il étoit vrai (comme l'avoit dit à plusieurs grands personnages
873. 30. sans date d'apres 958) que le Danemarc fût convenu
avec l'Angleterre de renoncer à la Neutralité armée. Je
fis mes diligences en conséquence: & j'écrivis Dimanche la
Lettre ci-jointe à notre ami.
Rien de nouveau au reste, sinon qu'il est arrivé des Lettres de
Petersbourg, portant que les plénipes. de la rep. ont commencé
leurs conférences avec les Mines. [Ministres] russes.
Notre Ami croit que Mrs. d'hollde. resteront assemblés cette
semaine & l'autre. Il me demande avec empressement des nouvelles
d'Amérique. Puissiez-vous bientôt me mettre en état de
lui en annoncer, à lui & d'autres, de victorieuses! Je suis, avec un
grand respect, Monsieur Votre très-humble & très-obéissant
serviteur
Je reviens de parler à notre Ami. Il est effectivement arrivé un
Courier de Petersbourg, avec la convention dressée de la part de
l'Impe. [Imperatrice] L. H. P. ne peuvent plus reculer de la
signer. Voilà qui est bien expéditif, & montre que la Cour de Petersbourg
ne lambine pas, & traite cette affaire avec le dernier serieux.
J'ai des choses bien curieuses à vous marquer sur ce sujet
par la Poste d'après demain.
P.S. Cette Lettre ecrite Dimanche devoit partir hier de Rotterdam.
Toute réflexion faite, je l'ai retenue; & vous verrez ciderriere
les particularités dont je parle.
Nos amis sont très-contents des Plenipes. de la Rep. & de leur
Dépêche, portant 1º. Une Convention, dressée de la part de Sa
Maj. Impe. qui a pour base celle faite avec les Cours du Nord;
& l'on y a ajouté deux articles, un 7e. & un 8e., dont le premier
a pour objet la réclame & restitution des Vaisseaux saisis aux sujets
de la rep.; le 8e. que si, en haine de cette convention & de ses
suites, la Rep. se trouvoit attaquée, molestée, inquiétée, les
autres feront cause commune pour cela avec elle, & la défendront.
A cela est joint un article séparé, portant que le but de la
neutralité armée est aussi, dès qu'elle aura toute sa consistance,
de procurer la paix entre les Puissances belligérantes.— (J'ai demandé
Si je pourrois avoir une copie de cette convention: mais
notre ami m'a dit, que les Plenipes. avoient exigé que leur
dépêche ne fût communiquée à aucun Mine. étranger, par conséquent
pas à Mr. Y. Nous sommes persuadés pourtant que S. J.
l'a déjà. Pour nous qui avons la conscience délicate, nous aimons
mieux patienter, moi à demander, les autres à m'accorder la communication.)
2º. La Dépêche porte, que les Plenipes. tiennent du Mine. de
Pe. [Prusse] que l'Envoyé d'Angle à Petersbourg a déclaré à
S. M. Impe. que Sa Cour respectera la neutralité armée des Puissces.
du Nord, pourvu que la Hollde. en soit exclue. — Voilà qui
est impayable. Si l'on ne sent pas vivement ici cette vraie hostilité
des prétendus bons voisins & amis de la rep., il faut qu'on soit
bien incurablement ladre.
J'ai laissé notre Ami d'extraordinairement bonne humeur. Il
m'assure qu'on ne pourra plus reculer; & que la Convention devra
se signer, quelque que soit l'embarras des temporiseurs, qui
n'ont plus de prétexte; qui puisse servir de rémore sans les rendre
absolument odieux & responsables.
Le Gd. Fr. a aussi reçu des Dépêches de son Confrere à Petersbourg.
Nre. ami ne doute pas que le R— de Pe. n'accede aussi à la
Neutralité Armée. Il croit que l'Empr. en fera de même; puisque
l'Impe. de Rie. [Russie] a été si contente de sa visite, qu'elle lui a
fait présent d'un Vaisseau de guerre.— Enfin, il y a beaucoup à
parier que le Portugal y a accedé aussi.
Enfin je tiens de la meilleure part, que l'Impe. ne démordra
pas de son Plan, aussi simple que noble, de procurer à toutes les
nations maritimes de l'Europe un Code maritime, fondé sur le
Droit naturel des gens, également respecté à l'avenir de toutes,
& également utile & salutair[e à] toutes. Deux autres circonstances
d'ailleurs me le pro[torn: uvent?] 1. le concert visible des
Mines. du Nord, & de ceux de [torn: word or words missing] de Pe.
[Prusse?], avec le Cabinet à Petersb— 2º. les ordres donnés en
Russie & en Suede, tout récemment, d'équiper & mettre incessamment
en mer de quoi doubler les Escadres Russe & Suedoise.
La populace & valetaille Anglomane ici, crient contre le sage
& aimable Monarque qui a passé ici, de ce qu'il ne leur a pas
prodigué l'or à pleines mains; & ils l'appellent par dérision le Roi
de Cuivre: d'autres d'un plus gros calibre enragent, aussi bas que
la passion le leur permet, de ce que dans tout Son Voyage il a
montré un éloignement marqué pour tout As [Anglais]. On
a eu beaucoup de peine à le déterminer à accepter le souper chez
S. J.
Addition au Mémoire pour les Minres. de Russie & de Suede,
remis en 7bre. 1780
Trois millions d'hommes, ayant derriere eux de vastes & fertiles
contrées à défricher encore, ne s'appliqueront pas de
longtemps aux Manufactures en grand. Il leur faudra celles de
l'Europe pendant des siecles; & l'accroissement d'une telle consommation
sera prodigieuse de génération en génération. Si
l'Angleterre avoit su se conserver son empire sur eux, avec leur
affection, elle devenoit réellement la reine du Commerce & des
Mers du Globe entier; & par conséquent elle lui eût fait la Loi.
Passy à S. E. M. B. Franklin