From — Coulougnac de Côte Belle (unpublished)
Nantes le 10e. 7bre. 1783./.
Excéllence

Le haut & puissant Conseil des treize Etats unis, assemblé, Daignera-t-il permettre a un Simple Citoyen, franco-américain d’origine, ami de La liberté, de soumettre avec Respect quelques refléxions particulieres Sur L’etat present du Gouvernement americain; & par L’Entremise de Votre Excéllence, les Consigner Sur le Bureau Ministeriel pour En Connoittre & les Résoudre./.

Le seul interet qu’il prend au Bonheur des Etats-unis luy a suggeré Ces reflexions; il les presente aux lumières sages & prudentes du Corps foederal & legislatif d’un peuple Entier d’hommes Libres; leur Generosité Naturelle luy annonce D’avance que sa façon de pensér, Nüe & degagée de toute Contrainte, S’accordera Mieux à leur vües de droiture, que tout sisteme presenté sous le voile d’une politique Raffinée, toujours Suscéptible de quelque interét particulier./.

Refléxions Ebauchées./.

Depuis la paix, L’univers á les yeux ouvérts Sur le Continent Septentrional; le Moindre pas vèrs le Bien, la plus legére démarche vèrs le Mal, que faira Le Congrès, peut procurer aux Etats-unis un siécle de Bonheur, ou d’adversité;

La premiere Grandeur d’un peuple, Est d’Etre juste; le Congrés à des loix Sans doute, Mais dans Cette Circonstance, elles sont oú insuffisantes, oú précipitées; Rien N’est donc plus préssant que de faire rédiger un Code de loix Génerales tendantes aux Bûts cy aprés; Sçavoir,

=Maintenir L’ordre & la discipline dans chaque province;

=Conservér la vie & la proprieté de chaque individu;

=proclamér une tolérance universelle dans le Culte;

=Rendre le Commérce Libre Sans Restriction;

=favoriser Les talents, L’industrie, & l’agriculture;

=s’attirer Enfin la Confiance & l’Estime Génerale des Nations; tant dis qu’un corps Choisi parmi les meilleurs jurisconsultes de L’amerique s’occupera de la redaction des loix, Sous les yeux du Congrès, un autre Corps choisi parmi les plus honnettes Négotiants travaillera a Rendre la percéption des droits, praticable, proportionnée & Solide; il N’est aucun Citoyen qui Ne sente la Necessité de Contribuer par Luy meme au Credit National; la douceur qu’il va Gouter des Bien faits de la paix luy retrace une acquisition Génerale, faitte En son Nom, par le Gouvernement américain; il faut qu’il En remplisse la détte & l’engagement par une portion de son Revenu; tout pretéxte d’opposition a des principes aussi sacréz Est un Crime de Leze-societé publique, & doit etre reprimé par le Corps social; il ne s’agit donc que de sçavoir Bien appliquer les droits, ou impôts & les repartir dans un juste Equilibre;

=Crëer un droit d’indépendance, Sur chaque individu domicilié, tant regionale qu’Etrangere, homme, femme, garçon & fille (les Esclaves Négres seulement Exceptés) par tête . .6 l. tournois./. Nota: cet impôt doit etre Egal Sur toutes les têtes Libres, de quelqu’Etat qu’on puisse etre, pour Conservér annuellement & a perpetuité L’heureuse indépendance; a laquelle tout être libre a dû Contribuer;

=Crëer un droit de Citoyen, oú d’adoption de Cité, En faveur des Etrangers Emigrants, lequel puisse finir par tête a 100 l. tournois;

=Crëer un droit de Milice Nationale, qu’on peut diviser les trois Classes de Citoÿens domiciliés sçavoir,

premiere Classe, par tête. . . . . . . .48 l. tournois
seconde Classe. . . . . . . . . . . . . . .24 l.t.
troisieme Classe. . . . . . . . . . . . . .12 l.t.

=Créer Enfin un droit d’industrie, reparti Sur tout le Corps Commerçant Continental, divisé En trois Classes, & par Raison sociale;

Les Commerçants ou Négotiants En gros200 l. tournois
Les Marchands En detail. . . . . . . . . . . .100 l.t.
Les Boutiquiers & artisants. . . . . . . . . .50 l.t.

Ces quatre droits ou impôts doivent etre fondamentaux, & perçus annüellement sur chaque particulier, excepté dans le seul Cas de pauvreté, attestée par un Certifficat En forme que L’individu sera tenu de presenter au Receveur principal de son district;

La percéption de Ces droits, doit etre simple & uniforme; treize Reçeveurs principaux, Sous des honnoraires Limitéz, dont un domicilié dans chaque Capitale des treize provinces, doivent Suffire pour Recolter Ces impositions, dans une Meme Epoque fixe, & En versér le Montant Diréctement dans la Caisse du Controleur Géneral des finances: les places de receveurs a la Nomination du Congrés; quant aux droits Sur les denrées Nationales d’Exportation; Le Congrés peut Eviter toute Espece de Gene et d’Entraves dans la Circulation des Marchandises, ou productions, d’un Etat a l’autre, les donnant une pleine Liberté a Ces Exportations Exémpter de tous droits & de toute visite intérieure; on peut Etablir des Bureaux de Recette dans tous les ports de mer de l’amerique et y pourvoir les droits Sur l’Exportation dans l’etranger; sçavoir

Sur tous les tabacs Exportés, aprés En avoir Etabli Le prix sur un Cours raisonnable, & variable de En dix ans: 3 pourcent de la valeur & sur toute autre production, sans distinction, [illegible]: 2 pourcent ire.

Il peut En etre de meme, pour les droits d’importation, sur les denrées ou Marchandises, tant d’Europe, que des isles, & de L’inde, dont la precéption se faira dans les memes Bureaux Maritimes de reçette sur le piece qui suit sçavoir,

Sur tout objet de luxe, Comme Soyerie, dentelle, dorure, ouvrage de Mode & de parure, Meubles riches, voitures &a.: 5 pourcent de la valeur

sur tout objet de Necessité, draps, toilles, Merceries:, 3 pourcent de la valeur & sur touts les Commestibles, sans distinction, 2 pourcent de la valeur. toutes les Nations doivent etre assujéties a Ces droits uniformes;

Les Dirécteurs des Bureaux Maritimes de Recette, rendront Compte au Receveur principal de la Capitale de chaque province dont ils relevent, des fonds par Eux perçûs, tous les Mois, En Balançant a cette Epoque, leur rôle de Recette & de depense;

Tel pouroit etre Sur le Champ, l’Etablissement principal des finances des treize Etats unis, Sauf d’augmenter óu de diminuer les taxes, d’aprés la sagésse, oú le Besoin du Congrés;

Avec des Moyens aussi solides, & des revenus inaltérables de Cette Espece, il N’est pas douteux que le Gouvernement américain poura liquider sa dette Nationale & que si les temps Exigoient qu’il fit de Nouveaux Emprunts, il Ne put Se procurer, Meme dans Son sein, des [illegible] très puissants, En présentant pour la solidite des interets de son Capital Emprunté, des portions solides d’un revenu annüèl qui y seroit affecté, telles que Celles qu’on vient de décrire;

Le Crédit National une fois Bien afférmi, Le Credit particulier En dérive peu a peu; le meme Esprit d’ordre & d’Exactitude se Communique aisément du Gouvernement, aux affaires Privées du Commérce, la Confiance renait, & on peut dire avec verité, qu’elle est aujourdhuy totalement suspendüe, tant Envérs le Congrés qu’envers le particulier En amerique (Si on N’avance point qu’elle soit perdue); la plus grande richesse d’un Etat Commerçant, est sans Contredit le Merite de Cette Confiance subdivisée Entre particulier & particulier, d’ou dérive la Base des Echanges de Nation a Nation, & d’ou dependent ses Moÿens rëels d’un Gouvernement quelconque; Cette Confiance est au dessus des forces politiques;

Aprés S’Etre occupé de Ces deux points principaux, les loix & les finances; un objet interéssant du bonheur de Congrés, C’est de conserver dans une parfaitte Egalité de rang & d’honneur, les trois états oú proféssions, qui concourent au Bien Géneral d’un Corps politique, le Commerce, le Militaire, & la robbe, afin que tout mémbre de Ces tois états puisse prétendre a remplir, par son merite personnel, les premiers Emplois du Gouvernement foederal; de plus, il paroittroit de la frandeur du Congrés, d’Entretenir dans sa Capitale, ainsy que dans des Garnisons préscrittes, un Corps discipliné de volontaires américaines, choisi dans l’elite de ses troupes reformées, & Commandés par leurs anciens officiers;

trois regiments de volontaires, infanterie, de 2000 hommes par chaque Regiment, formant 6000 fantassins, paroissent indispensables, dans le Moment Meme; aprés la Création des droits;

quatre regiments de volontaires, Cavalerie de 1000 hommes par Regiment, formant 400 Cavaliers, peuvent etre aussi fort utiles;

Ces régiments de volontaires américains doivent etre les premiers Corps de troupes, & tous Composés des sujets Nationaux En Genéral;

D’aprés Cette premiere Création, & a mésure que les Etats-unis prendront du nerf soit par l’amelioration des terres, soit par la population, Le Congrés doit Entretenir sur pied Constamment jusques a la Concurrence de 40000 hommes de troupes disciplinées;

il N’Entre pas dans aucune Necessité, que Chaque province Enregimente des troupes qui luy Soient particulieres; C’est un point trés intéressant a refuser; tout L’etat militaire doit etre Crée par le Congrés & doit dépendre de ses ordres, sans la moindre resérve; quant a ce qui a Rapport a la marine, le gouvernement americain En s’apliquant a Cette Branche, et En y sacrifiant une partie de ses Revenues, Ne peut faire un plus Noble Employ de ses facultés Naturelles & propres, qu’en tenant des arsenaux sans césse En activité, & rendre son pavillon Respéctable; La mer doit etre toujours son premier Element, ainsy que la Cour de france doit etre Son premier allié & son plus ferme appui;

pour Mettre a Exécution tous Ces plans, il Ne faut que la puissance En Mains; Le pouvoir du Congrés, Composé par les treize Representants de Chaque Etat, une fois assemblé, & ayant résolu sur quelque objet que Ce puisse etre, doit etre indépendent, irrévocable & sans appel; Ce pouvoir quoique foederal, doit etre solonnellement Reconnu tel, par les treize Conseils Superieurs, des provinces réunies, oú Etats, dont l’authorité distincte & privée Ne peut Emaner que de Celle du Congrés, qui Est le Centre de toute puissance;

plus on cherchera a pallier Ce pouvoir foederal dans le Congrés, plus les sistemes, plans, oú Créations deviendront abusifs; Les Nations Etrangeres, les têtes Couronnées, Ne peuvent traitter que D’Egal a Egal; le Congrés des treize Etats unis peut seul leur présenter, En luy, Cette Egalité, En s’appropriant & En Conservant la puissance legislative, & Exécutive dans toute Son Etendüe;

il paroittroit indispensable, que d’aprés une diétte Genérale Composée Non seulement par les treize representants de chaque Etat au Congrès, mais Encore par les treize presidents de chaque Conseil, par les treize gouverneurs de chaque province, par tous les Generaux de Larmée, & En la présence de tous les Embassadeurs auprès des Etats unis, Le Congrés fit la motion d’un Bill, pour detailler le degré de Cette puissance foederale, & par une adoption Génerale, la faire determiner invariablement, comme un pouvoir a luy transmis par le corps de la Nation, pour En usér suivant sa sagesse & sa prudence, & pour le Bonheur d’un peuple Libre;

dans Cette assemblée Composée par les Chefs de la Nation, le Congrés présenteroit Encor les Bills suivants;

=Eriger un Monument de Gloire & de Reconnoissance a L’illustre Vasington, & le proclamér solemnellement Géneralissime des troupes Continentales;

=fixer un térme Electif de dix ans, pour la posséssion des charges de president, tant dans le Congrés, que dans les Conseils Superieurs, Sauf a Continuer les Eléctions faittes, dix ans de plus, si le Congrés L’Estime [illegible] etre; on statuera sur le terme electif des representants au Congrés Egalement;

=Crëer les charges Ministerielles, sans [illegible] a aucun terme Limité pour la possession, le Congrés seul pouvant les Connoittre;

=Crëer les Emplois Militaires a vie, toujours sous l’agrement volontaire & libre du Congrès;

=Elire treize jurisdictions Consulaires, dont une dans chaque Etat pour y Connoitre & juger les affaires de Commérce, sur le meme [illegible] & sur la meme forme, s’il Est possible, qu’elle sont Etablies En france;

=Etablir des academies Nationales & des Colléges Bien Composés pour y éduquer la jeunesse, & luy apprendre principalement les devoirs de la religion & de la societé Civile, les langues Etrangeres, & les Belles léttres;

=Encouragér la liberté de L’impression sur le meme pied qu’on le pratique En angleterre;

=faire Construire des arsenaux dans les ports, des Casérnes & des hopitaux partout oú l’on Estimera devoir etre;

Crëer dans Chaque Capitale des treize provinces, un guét a pied Composé de 50 hommes domiciliés & Bien disciplinés, sous les ordres de Chaque conseil Supérieur, pour Maintenir le bon ordre & la sureté dans les villes;

=Enfin résoudre & detérminer invariablement & unaniment Le sort de toutes les posséssions des loyalistes américains, soit pour les Confisquer au profits du Congrés, soit pour les rendre aux propriétaires, sous leur serment de fidelité & d’adoption de Cité Envers le gouvérnement américain; Ce dernier party Ne pouroit quajouter un lustre de plus a la gloire de Lamerique & de L’humanité, toute querélle domestique devant se [illegible] sous les raÿons d’une paix florissante, présent flatteur & pur de la divinité; qui ne peut adméttre De Chatiment, ni de Vengeance humaine, oú se trouve un pardon de sa part aussi Bienfaisant;

Si ces diverses reflexions paroissent a Votre Excéllence de quelque intéret, & qu’elle daigne Me perméttre de les luy presenter avec plus d’ordre & plus d’Etendue, je porteray tout le zele qu’Exige un tel sujet & le meme Esprit de franchise; Mon plan ettant près de fixer ma Résidence a philadelphie dans le Courant de L’année prochaine, pour y faire le commérce tant avec la france qu’avec Les Colonies, je desire ardemment Me Voir honnoré du droit de Citoyen, ou d’adoption dont Mes refléxions presentent le plan de Création En faveur des Etrangers; puis-je Me flatter d’avoir Ce titre avant Mon départ pour Le Continent?

Je suis avec Respects De Votre Excéllence Le très humble & très obéissant serviteur;

Coulougnac De Coste Belle;

A Son Excellence L’Embassadeur du Congrés, auprés de la Cour de france;
640252 = 040-u341.html