J’ai appris que vous faisiez travailler des ouvriers à l’imprimerie en Amérique. Je suis correcteur des épreuves à l’imprimerie de la ville à Lyon. Si je pouvois me rendre utile par mon petit talent, auprez de vous; j’aurois deux avantages: celui de servir un savant, et celui de m’éloigner d’un climat qui m’est funeste à tous égards. Pour vous, Monsieur, vous n’en auriez point d’autre, que celui qu’éprouve un homme bienfaisant qui se fait un plaisir de faire des heureux.…Oui, Monsieur, vous pourriez par ce moyen rendre une famille heureuse, le pere, la mere, et l’enfant. Je suis persuadé que ce seul motif est capable de vous inspirer le dessein de m’employer: attendu que vous trouveriez dans moi un sujet docile, exact à son devoir, plein de zele et de bonne-volonté; et qui travaille par goût et par honneur, plus que par intérêt, quoique je n’aie rien autre en ce monde que mon travail qui m’aide à subsister.
Si vous ne pouviez pas m’employer à la correction des épreuves ... je pourrois m’offrir encore pour enseigner le Latin, et donner l’éducation aux jeunes gens, telle qu’on la donne dans les colleges: ce qui seroit encore plus selon mon goût et mes desirs, y ayant plus d’occasions pour satisfaire à l’envie que j’ai toujours eu de communiquer les bonnes idées et les beaux sentimens que j’ai reçu, soit de mes parents, soit des personnes respectables que j’ai fréquenté en différentes occasions…j’ai des méthodes particulieres pour faciliter les études…etc.
Mais, si je dois parler hautement, ainsi que tout honnête-homme doit le faire, sur les sentimens de mon coeur; je dois d’autant plus me taire sur les qualités de l’esprit, quoique celles-ci me soient autant nécessaires dans les différents emplois auxquels je pourrois être occupé.…si votre bonté vous porte à m’écrire et à vouloir agir en ma faveur, vous pourriez prendre des informations de moi, en vous adressant à Mr. Prost De Royer, auteur du Dictionnaire de jurisprudence, pour lequel je travaille. …
Il demeure actuellement dans la maison des Célestins, quai de saône. Mais en ceci, il y aurait deux précautions à prendre, pour ne pas me nuire en voulant me rendre service…1º ce seroit de s’informer de moi sous un autre prétexte que celui de vouloir me faire partir…parceque les Messieurs qui m’occupent, pourroient se formaliser de mon projet, et m’exclure du bénéfice qu’ils me procurent.…2º ce seroit encore de ne pas me faire quitter ma place sans auparavant être bien assuré d’une autre; sans quoi je pourrois me trouver sur le pavé.
Je ne sais si vous me trouverez trop hardi et téméraire, de vous écrire ainsi; mais votre Renommée, et l’envie de me transporter avec ma famille dans un pays où j’imagine de pouvoir faire un meilleur sort à ma femme et à mon enfant, me permettent bien des choses, et m’excusent sur les défauts qui peuvent se rencontrer dans ma Lettre.…
J’espere tout de votre humanité; et je me flatte que vous daignerez me faire une Réponse à l’adresse de sieur De L’auréole correcteur de l’imprimerie de la ville, à Lyon, aux halles de la grenette, Recommandée à Mr Balanche.…Je suis, avec tout le Respect et toute la considération possible, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur