Vous partez donc, mon cher Franklin, vous partez sans meme un mot d’adieu a l’homme du monde qui vous aime le plus; votre coeur vous le reprochera sans doute, le mien vous le pardonne. J’aime mieux attribuer votre silence a la multitude de distractions qu’entraine un départ, que d’imaginer que vous m’avez entierement oublié; la premiere idée me donne beaucoup de chagrin, la seconde seroit affreuse pour moi. Ecrivez moi donc, ne fusse que quatre Lignes, et refermez les playes d’un coeur qui ne peut cesser de vous aimer.
Si ma Lettre me rappelle dans votre mémoire, ne m’en Laissez pas sortir Lorsque vous serez arrivé en Amerique, et si lorsque vous songerez a moi il se presentoit quelqu’occasion de vous etre utile ou de m’employer dans votre paÿs ecrivez le moi sur le champ, je serai doublement heureux si en vous servant je quitte l’empire du déspotisme et je me raproche de vous.
Adieu mon ami, que votre traversee soit heureuse, mais qu’arrivé chez vous une trop grande ambition ne vous egare pas, songez bien que si toute ame bien nee doit desirer de se distinguer, cependant rien n’éloigne plus de la route du bonheur qu’une envie éffrénée d’éclipser les autres. Que la félicité et le succes vous accompagnent dans toutes vos entreprises, c’est ce que je desire le plus au monde; soyez heureux, aussi heureux qu’il est possible de l’etre et n’oubliez plus votre ami