Monsieur!

La haute renomée de vos Eminentes qualités s’etant repanduë dans differents endroits depuis votre sejour à Paris, et principalement par les Services importants que vous avez rendû à plusieurs jeunes gens qui desiroient de s’engager au service des Colonies unies de L’Amerique, fait qu’a cet Exemple j’ose prendre la tres respectueuse liberté de vous ecrire, pour avoir l’honneur de vous offrir mes foibles services pour ces memes Colonies, il ÿ à deja meme longtemps que si j’avois pû mettre en Execution les impulsions et les mouvements secrets de mon Coeur que je me serois fait un honneur et un vrai plaisir, de m’enroller au predit Service, si des circonstances particulieres, et le manquement d’argent, pour un si long voyage ne m’eussent retenues en Allemagne et en Boheme, ou apres avoir servi l’Espace de 6. ans 8. mois en qualité de fourier dans un Regiment d’Infanterie, Imperial Royal, j’en pris ma dimission pour venir prendre service come Secretair dans le Regiment de Clerfayt Imperial Royal, presentement en Garnison à Gand en Flandre, ville du pays bas autruchien ou je sers depuis 9. mois; je possede la langue allemande, francoise, et Bohemienne, et j’ai meme deja commencé à m’appliquer à L’Anglois, tant j’ai de desir et de zele de passer au service des susdittes colonies, permettez aussi Monsieur que j’aie l’honneur de vous dire, que je suis natif de Francforth sur le Mein, en Empire, agé de 24. ans, non marié, de la taille de 5. pied 5. pouces de france, et je puis sans me flatter produire des bons attestats de ma conduite et de ma capacité, de la part des deux Regiments ou j’ai servi, s’il en etoit necessaire;

Mes affaires ne permettant pas pour le present de me presenter personnellement à vous, je vous prie instament d’avoir la bonté de m’honnorer d’un mot de Reponse, et si mes Offres de service pouvoient vous etre agreables, et que vous voulussiez me promettre une place d’Officier dans le service du Congres de l’Amerique, je me rendrois pour lors à Paris afin de me presenter à votre personne, si au contraire vous jugiez à propos que ma presence ne fut pas necessaire à Paris, je vous prierois (sous les memes assurances cy devant mentionnées) de vouloir me designer un port de mer ou je pourrois m’enbarquer (en m’y defrayant de mon voyage) pour ensuitte de vos ordres me pouvoir trouver à L’ouverture de la campagne prochaine au lieu de ma destination, d’autant plus que flatté de l’esperance de votre recommandation, joint le zele ardent dont je me sens penetré pour le service des predits colonies, j’espererois beaucoup d’y pouvoir faire mon chemin; vous suppliant de me faire l’honneur de croire que si vous daignez me seconder dans mon dessein, je vous en sçaurai d’eternelles obligations, et que par mon sincere attachement tant pour les colonies que pour votre personne vous n’aurez jamais lieu de vous repentir d’avoir protegé un inconnu, qui à l’honneur d’etre dans les Sentiments les plus respectueux Monsieur Votre très humble et très obeïsant serviteur