Mr. Le Roy hier, chez Madame helvetius, m’a annoncé mon cher
amy, la triste nouvelle d’une seconde mortalité parmi les
chevreuils, malgré tous les soins et l’intelligence de leurs
precepteurs, 4 ont péri, les trois autres sont malades, et entre
nous Mr. Le Roy me paroit un peu rebuté. J’esperois qu’il me
feroit de nouvelles promésses pour l’année prochaine, il ne ma
parlé de rien et je n’ai pas osé luy faire de demande, d’ailleurs
nous n’aurions pas eu d’occasion, Messieurs le Coulteux et Ruellon
ne m’en ont point annoncé; je suis vraiment faché de cette
contradiction, et Mr. Jefferson l’est aussi; j’ay eu l’esprit de
deviner que l’homme que vous desiriez pour accompagner les bêtes,
elles ne partant pas, vous devenoit inutile, et je ne l’ai point
arrêté. 20 7bre. Mr. Jefferson s’est demis avant hier le poignet
de la main droite en voulant sauter par dessus une barriere du
petit cours, le poignet est bien remis mais il a beaucoup souffert
et je ne crois pas qu’il puisse ecrire d’ici a un mois.
Un Mr. Le Coulteux va faire un etablissement en pensylvanie, il
y mene une jeune femme qu’il vient d’epouser, elle est fille de
Mr. Clouet regisseur des poudres, receveur des impositions de
Paris et fort lié avéc Mr. Dailly. Je ne sais si elle est jolie,
vous le verrez, et je m’en informerai par interest pour vous.
Mr. Williams est encore venu ces jours cy, je ne conçois pas que
vous n’ayez pas encore recu son envoy d’arbres ecrivez moy sur cet
objet un article que je puisse luy montrer.
Mr. de Beaujon n’est point encore mort, mais Mr. D’harvelée,
ancien garde du tresor royal riche a beaucoup de millions, cousin
germain de Mr. Paris qui n’en herite point est mort Lundy au soir.
Mr. Paris a un legs de 60.000 l.t..
Madame de Malachel a fait tres habilement un enfant mort, c’est
a dire pourtant, il est mort depuis qu’elle la fait, et elle la
mis au monde après l’avoir porté 7 mois, elle en est fort triste,
et dit qu’il n’y a qu’une mere qui puisse sentir son chagrin, pour
nous qui ne voyons aucun rapport moral entre elle et ce morceau de
chair, nous croyons que c’est a peu près comme si on regrettoit
une garderobbe, elle dit aussi que ce n’est pas sa faute; mais
elle avoit 5 semaines auparavant risqué avéc sa soeur de passer a
la suite du Roy d’honfleur au havre sur un petit batteau, elles
ont été prises par un grain tres violent, penetrée de pluye et
d’eau de mer, tres malades, elles ont vomi et elles ont courru les
plus grands risques.
Mandez moy ce que devient Mr. Williams, est il toujours en
amérique? Sa femme l’a telle été trouver? Sont ils heureux, il y a
mille ans que je n’ai recu de nouvelles du grandpapa.
Les jambons sont enfin arrivés il y a trois jours 3 ou 4 mois
après l’annonce de leur arrivée au havre; je vous en remercie et
le grandpapa, quoyque les miens ne me soyent pas parvenus, ils ont
été pris ou égarés, Madame Grand a voulu absolument nous faire
present d’un des siens.
Pour vous payer en politique, la mort du grand Roy de Prusse n’a
produit encore aucun changement, les hollandois sont tres
mécontents du stathouder, qui n’est soutenu que par Utréc, la
gueldre et la Zélande et qui pourroit bien perdre toute son
autorité ou au moins une grande partie. Mr. de Maillebois est
revenu a Paris comme il en etoit parti, le Rheingrave de Salm [?]
paroist avoir la confiance des hollandois et de la france.
Passy n’est plus le Passy de vostre temps, il sera desert cet
hiver, Mr. Dailly le passera a Paris, Mr. de la Varenne est
lieutenant de Reg. de Metz, nous serons éxactement seuls, je suis
fâché de l’absence de Mr. Dailly, quand a vous, mon cher amy, je
ne me consolerai jamais de la vostre, tous les miens pensent de
même et vous embrassent tendrement
J’ay recu hier, mon cher amy, vostre lettre du 14 aoust et je
vous remercie beaucoup de la demarche que vous avez bien voulu
faire pour moy auprès de la société philosophique de Philadelphie,
quoyque fort peu digne de cet honneur je le desirois beaucoup, je
ne puis guere estre connu de cette savante compagnie que par
quelques memoires imprimés parmi ceux de l’academie et je sens que
je ne dois qua vous et au grandpapa l’opinion que vous avez désiré
qu’elle prit de moy, voulez vous bien vous charger de mes
respects, et de mes remerciements pour elle, comme je desire
infiniment de luy estre utile je me chargerai volontiers de toute
espece de correspondance avéc elle pourvu qu’elle me permette de
repondre en francais. Instruisez moy des devoirs qu’elle prescrit,
faites moy je vous prie l’emplette de ses transactions, et envoyez
moy ses statuts et la liste de ses membres.
J’ay ete hier a Seve chez les Williams, et nous sommes convenus
d’un nouvel envoy par le Paquebot qui suivra celuy qui doit partir
après celuy du 1er du mois prochain, il est encore de trop
bonheure pour arracher les arbres, il contiendra la même chose que
celuy qui s’est perdu, lorsqu’ils seront bien emballés il nous
avertira Mr. Grand et moy pour les envoyer chez luy, ou pour les
prendre en passant sil faut les envoyer a l’orient, mais Mr.
Jefferson presume qu’a l’avenir les paquebots partiront du havre.
Williams m’a dit qu’il avoit envoyé ses arbres de Rouen a
l’orient avéc une lettre au capitaine du Paquebot pour luy
recommander de les prendre pour vous, qu’il n’en a eu aucune
nouvelle, mais qu’ayant ete aux informations, on luy a dit qu’il
ne se chargeoit de paquets que lorsque le port etoit payé d’avance
et qu’apparemment ceux cy etoient restés a l’orient, qu’il
chercheroit le moyen de ravoir au moins ses caisses; ce Pauvre
Williams en est pour ses arbres, ses caisses et ses frais, car
m’étant opposé a cet envoy a cause de l’avancement de la saison et
du deffaut d’occasions et n’y ayant consenti qu’a condition quil
en coureroit tous les risques et que je ne le rembourserois que
lorsque vous m’en auriez accusé la reception en bon état, il est
convenu qu’il n’avoit rien a repeter [?]. Je n’ai point besoin
d’argent car moyennant ce qui me restoit celuy recu
par Mr. Thierry et le benefice du change de vos louis j’ay encore
a vous 220 l.t. 115 9d. et j’aurai encore a y ajouter le prix des
transactions de la societé philosophique que vous voudrez bien
achepter pour moy.
Mr. de Jefferson a envoyé ou se charge d’envoyer les nouveaux
Volumes de la nouvelle encyclopedie, et MM. Grand et Gauthier
l’art de verifier les dattes, la suite de l’ouvrage de l’abbé
Rozier et quelques journaux.
A l’égard de vos souliers vous savez que je suis brouillé avéc
l’illustre Mazzard qui ma signifié par écrit, je vous ai envoyé sa
lettre, que je n’obtiendrois rien de luy, qu’il vous feroit
directement ses envois vous n’avez pas d’autre moyen que de
m’envoyer un vieux soulier sur lequel nous ferons travailler un
artiste moins indocile.
La belle madame fournier est morte et son mary a toujours autant
d’esprit que lorsqu’elle étoit en vie et qu’il alloit a Passy vous
faire passer agreablement deux ou trois heures.
Le Pauvre Aléxandre Nairac chez qui etoit mon fils a Bordeaux
est mort aussi, nous en sommes consternés, mon fils est au
desespoir et j’ignore ce qu’il deviendra.
Adieu mon cher amy je vous embrasse de tout mon coeur, je
voudrois bien aller vous voir ce printems et rester toujours avec
vous. Tous les miens, tous nos amis vous assurent de leur souvenir
et de leur amitié
Mr. Grand m’a dit que vostre terre des Jerseis etoit une
aquisition que vous aviez faite depuis vostre retour en amérique,
a til raison? Je croyois que cetoit une cession faite par monsieur
vostre pere.
Voules vous bien remettre l’incluse.