La Paille de Froment, hachée et écrasée, est reconnue pour être un aliment bienfaisant, & le plus sain pour les Chevaux. Les Ecuyers, les Amateurs qui en connoissent la propriété salutaire en font la principale consommation dans leurs écuries.
Cette nourriture tient le Cheval frais, elle lui fait une chair ferme sans le rendre trop gras, elle le tient en haleine[,] & plus en état de soutenir le travail & la course; c’est sans doute cette vérité qui a donné lieu à ce proverbe si connu: Cheval de paille, cheval de bataille.
Les Chevaux des campagnes, sur-tout de celles à Bled, en éprouvent les meilleurs effets. Les Laboureurs y font dans l’usage de ramasser leur menue Paille, & de la mêler avec l’Avoine. Cette nourriture est la premiere cause de la fraîcheur que ces animaux conservent; elle les entretient dans un état de force & de vigueur, jusques dans un âge très-avancé.
La difficulté de se procurer dans cette Capitale assez de menue Paille, a fait imaginer d’en couper les tuyaux avec des hachoirs, ainsi qu’on le fait dans l’Allemagne, dans la Hollande, & dans quelques Provinces de France. L’usage en est même admis dans beaucoup de Maisons particulieres de cette Ville, les unes par des vues d’économie, les autres par l’expérience qu’on a de ses bons effets; mais cette méthode est susceptible d’inconvéniens. Cette Paille se trouve coupée inégalement & en bec de flûte, à une ligne ou deux de ses noeuds, ce qui forme des pointes dures & aiguës qui blessent le palais & quelquefois les intestins des Chevaux, sur-tout lorsqu’il leur arrive de boire leur avoine, c’est-à-dire, de l’avaler sans la mâcher. Cet inconvénient a fait reconnoître l’insuffisance & le danger des hachoirs ordinaires, & a occasionné beaucoup de recherches pour y remédier; mais rien de ce qu’on a imaginé jusqu’à présent n’a répondu au but qu’on s’est propose.
Un Méchanicien vient de perfectionner une Machine unique dans son genre, par le moyen de laquelle la Paille se trouve purgée de toute sa poussiere, & non-seulement coupée à longueurs égales, mais même écrasée & depecée dans ses noeuds. Cette Machine, aussi simple qu’ingenieuse, a mérité l’approbation de l’Académie Royale des Sciences; & Sa Majesté a bien voulu en favoriser l’établissement, en accordant pour la vente de cette paille un Privilege exclusif, qui a été duement régistré en Parlement. Nombre de Personnes distinguées de cette Capitale, frappées de l’invention de cette Machine, en ont sollicité l’établissement. On offre donc son exécution au Public, sous les doubles points de vue de salubrité pour l’animal, & d’économie pour le maître.
Du côté de la salubrité, elle est certaine & reconnue tant par les Savans dans la connoissance des Chevaux, que par l’expérience générale. Qu’on lise les Ouvrages de MM. de Garfaut, d’Aldowrande, Solleyfel, ceux de MM. de Buffon, d’Aubenton; qu’on lise ce qu’en ont dit MM. de Lafosse, de Bourgelat, les Auteurs du Dictionnaire raisonné des Sciences, & tous les Ecuyers Anglois qui ont traité sur les Alimens des Chevaux, il n’en est aucun qui ne recommande l’usage de la Paille hachée comme le premier aliment, seul capable de soutenir le Cheval dans ses fatigues, & de le préserver de ce nombre infini de maladies qui l’assiégent dans la moitié de son âge, lorsqu’il est nourri à la maniere ordinaire; tous nous apprennent que cette Paille, mêlée dans ce qu’on [l]eur donne de Son ou d’Avoine, leur fait une nourriture appétissante, substancielle, de la digestion la plus facile; tous conviennent qu’elle est la seule propre aux jeunes Chevaux qu’on veut entretenir à la course, aux Chevaux des Fiacres & Voitures publiques qu’on veut conserver, aux malades & aux vieux qu’on veut rétablir, enfin à tous les Chevaux poussifs, & à ceux qui fatiguent le plus par l’excès du travail, pourvu qu’on leur donne [en proportion] de la Paille hachée mêlée avec la Luzerne. On a dans tous ces cas une expérience reconnue, qui justifiera ce qu’on peut dire de plus avantageux sur cette nourriture.
Vu du côté de l’économie, cet aliment en offre une très-précieuse. Cinq à six livres de Foin, divisées en deux parts, dont l’une fera donnée le matin, l’autre le soir, avant & après boire, un boisseau ou boisseau & demi de Paille hachée, mêlée dans chaque portion d’Avoine, suf[f]isent pour entretenir l’animal dans le meilleur état possible; s’il ne travaille point, qu’on sacrifie une botte de Paille dans les vingt-quatre heures pour l’amuser, indépendamment de celle qu’on do[i]t lui fournir pour la litiere. M. de Bourgelat a certifié & signé que cette nourriture ainsi distribuée, étoit la plus propre & la plus analeptique pour l’animal qui la mange sans déchet.
Beaucoup d’autres Ecuyers, en confirmant cet avis, se proposent de donner cette nourriture à leurs Chevaux; M. Dauvergne, Lieutenant-Colonel de Cavalerie, Commandant de l’Equitation à l’Ecole Royale Militaire, à qui les connoissances profondes dans la partie vétérinaire assurent la confiance du Gouvernement & celle de l’Administration de l’Hôtel à l’avantage de cette nourriture.
Il en est de même de beaucoup de Marchands de Chevaux, qui sont dans l’usage de donner de la Paille hachée à leurs Chevaux; plus expérimentés en cela que leurs Confreres, qui ne donnent que du Son à ceux dont ils font commerce. Ces derniers parviennent bientôt à les engraisser extraordinairement; mais quelques jours de travail font tomber cet embonpoint f[a]ctice, & bientôt le Marchand éprouve le reproche trop commun qu’on lui fait d’avoir été trompé: il l’évitera, en ne donnant à ses Chevaux que de la paille hachée. L’embonpoint qu’ils prendront sera ferme & durable, & il méritera bientôt la confiance des acheteurs.
Cette nourriture est excellente pour engraisser les Bêtes à corne. On la trouvera à la Manufacture établie rue du Faubourg & près la Porte Saint-Martin. Le sac de continence de 24 boisseaux environ, de Paille mêlée avec la Luzerne, se vendra à 3 liv. sans le sac.
Le sac de Paille[,] sans mêlange de Luzerne, se vendra 48 sols.
On ne fournira aucun sac, s’il n’est payé particulierement. On les cédera au prix coûtant de 3 liv. Permis d’imprimer, le 16 Septemb. 1780. LENOIR. De l’Imprim. de Va[l]leyre jeune, rue Saint-Severin.