La ci-joint d’hier étoit prête à partir, lorsque je me vis honoré de la vôtre du 18. J’ai remis à Mr. Stockton, qui dînoit chez moi, celle qui étoit pour lui. Il me charge, avec ses respects, de vous en témoigner sa reconnoissance. Comptez, Monsieur, que je vous obéirai, & que vous serez informé du succès quelconque de la souscription de Mr. De Neufville. J’ai tout lieu de croire qu’il se fera un point d’honneur de la faire réussir: mais, je le répete, il faut laisser passer la mauvaise impression que viennent de faire ici d’Estaing, la Géorgie & Pondicheri. L’affaire qu’il a conclue avec vous, Monsieur, n’est ni l’unique ni la plus considérable qu’il ait faite dernierement en France. Quand j’aurai l’honneur de vous voir, je pourrai vous en dire davantage de bouche. Je prévois que sa Maison deviendra la maison de la F——ce & de l’Am——e à Am-sterdm. Lui-même ignore que j’en sais tant.
Le Congrès Allemand, dont on vous a parlé, se tient depuis le 10 de ce mois à Tesschen dans la Haute-Silésie. On assure qu’il ne durera que 6 semaines, & qu’en attendant les Armées gardent leur position, pour recommencer à s’entretuer si l’on ne s’accommode pas. Mr. Lee n’auroit donc guere le temps d’arriver avant sa séparation. Je ne vois pas non plus ce que sa présence pourroit produire là de bon. J’ignore d’ailleurs jusqu’à quel point il peut compter sur la solidité de ses liaisons avec les Ministres de Vienne & de Berlin. Ce qu’il dit des 20,000 mercenaires, que la paix d’Allemagne mettra les Anglois à même de prendre à leur solde contre nous, est trop vague & trop général. Je demanderai 1º. Sera-ce un nouveau Corps de troupes? 2º. qui le fournira? Hesse-Cassel, Hanau, Brunswick, Anspac, Waldeck & Anhalt Zerbst, ont assez de peine déjà à livrer les recrues pour les Corps déjà vendus. L’Empereur, ni le Roi de Prusse, ni la Saxe ne fourniront rien. Le Roi de Prusse, comme on sait, voit de très-mauvais oeil les Princes ses Alliés s’affoiblir par ces émigrations, & s’est déclaré ouvertement là-dessus avant la guerre d’Allemagne. Le Wurtemberg ne fournira rien; les Etats du pays s’y opposent; Bade, Deuxponts, Palatin, Hesse-Darmstad, ne fourniront rien; ils sont trop interessés à menager la France. Il n’y a que le Pays d’Hanover, d’où le Roi d’Angle. peut en tout temps, sans qu’on puisse l’en empêcher, faire partir 20,000 hommes qu’il y a. Le fera-t-il? dégarnira-t-il ainsi sa derniere ressource? Je l’ignore. On lui a fait faire déjà tant d’autres extravagances, que je ne saurois répondre de rien de sa part.
Je demanderai 3º. quels sont les moyens qu’auroit Mr. Lee, s’il se trouvoit, contre toute apparence, quelque prince prêt à vendre de nouveaux Corps aux Anglois, to prevent it? Je ne puis en imaginer qu’un: ce seroit de pouvoir renchérir sur les Anglois à ce marché-là; mais Mr. Lee ne l’a pas; & si je l’avois, je voudrois l’employer mieux pour le bien de l’Amérique. La vertu, la constance, & la concorde des Etats-Unis, seront, j’espere, avec l’aide de Dieu, des moyens plus sûrs & plus honnêtes, qui les feront triompher des derniers efforts de la tyrannie, comme des premiers; &, grace à Dieu, ils sont en leur puissance mieux que l’argent ne l’est en celle de leurs ennemis. Mr. Stokton m’a dit, que Mr. Lee avoit su empêcher que le prince de Darmstad n’ait fourni des troupes à l’Angleterre. Les vraies causes qui l’ont empêché, sont 1º. le Roi de P——, à qui cela ne convient pas; 2º. les terres considérables que ce Prince de Darmstad possede en Alsace; 3º. son second fils, qui est au service de france dans le Regiment d’Anhalt.