Celui qui aura l’honneur de vous remettre cette lettre, Monsieur et cher Ami, est un de mes Confreres distingué par les qualités de l’esprit et du coeur, qui desirant connoitre un peu l’Angleterre et specialement ceux avec qui il y a le plus à apprendre ambitionne surtout l’avantage de vous voir, et m’a temoigné le plus vif empressement sur cela. Je vous serai fort obligé de le recevoir avec cette bonté qui vous est naturelle et que persone n’a plus eprouvée que moi; et si vous vouliez bien lui procurer un accès favorable aupres de Mr. Pringle, ce seroit encore une obligation de plus que je partagerois avec lui. Il se nomme Macquart. M. L’abbé des Prades, grand Vicaire du Diocese de Die, et Secretaire de M. Le Comte d’Artois, avoit fait l’année derniere six vers pour etre mis au bas de votre portrait, et avoit chargé quelquun de me les remettre qui ne fit pas la commission comm’il l’avoit promis. Il m’en a parlé ces jours derniers. Je lui en demandai une copie que je joins icy, afin que vous en jugiez. Quant à moi, je les trouve beaux, mais je doute que ces mots enchaina, tyrannie, heros, soient les termes les plus propres chacun a sa place respective. Ainsi quand je les aurois eus à tems, je crois que je m’en serois encore tenu a mes quatre petits, tout simples qu’ils sont.
Voila donc le bill passé contre la ville de Boston. Il me paroit que Mylord North est un homme d’esprit mais de bien peu de sens, qui ne prevoit pas combien il fera de tort a sa patrie par une si fausse demarche qu’il lui fait faire. Non seulement il y a autant a perdre pour l’Angleterre même que pour ses Colonies a l’interruption du commerce de cette ville; mais si les Americains continuent a etre aussi unis et aussi sages qu’ils ont eté jusqu’icy, ils se mettront bientôt en etat de braver tous les efforts de la Metropole et quand même on reussiroit a semer la dissension parmi eux, cela n’aboutiroit qu’a retarder un evenement que la grande Bretagne doit regarder comme inevitable, si elle meme ne change son plan, à quoi je ne vois aucune apparence. Il semble que le Ciel ait voulu sur elle