à Felsberg près de Fritzlar en Hesse
ce 20 Xbr. 1780
L’Incluse que j’ai l’honneur de faire parvenir à Vôtre Exellence
l’instruira de quoi il s’agit: Objet qui m’a paru pouvoir
justifier, la liberté de la recommender à Ses Soins, et mes voeux
d’entamer une Correspondence relative; si Elle le jugera assez
interessant pour la meriter ayant L’honneur d’etre avec des
sentimens de plus respectueux Monsieur de Vôtre Excellence Le trés
humble et trés obeissant serviteur
En Cas que Vôtre Excellence vodroit bien m’honorer de Sa reponce,
je la prie de se servir de L’adresse suivant à S. E. Mr. le Comte
de Waldeck et de Limbourg à Bergheim, prés de Fritzlar païs de
Waldeck.
Hauts et Puissants Seigneurs!
Penêtré de la plus vive reconnoissance Hauts et Puissans
Seigneurs! de la Reception gracieuse, et de tant de bienfaits
accumules dont Vos Hautes Puissences ont daigné honorer mon fils,
j’ose Vous supplier trés respectueusement de recevoir avec bonté
les remercimens les plus profonds qu’un pere sensible Vous adresse
du fond de L’Allemagne.
J’avoue Hauts et Puissants Seigneurs! que la nouvelle de la
Promotion de mon fils á la Charge d’un Lieut. Colonel, a du tenir
ma joye en suspens, craignant qu’une fortune precipitée fondée sur
la faveur, ne derogasse au merite dont elle doit être la juste
recompense comme celle ci à son tour, en est le ressort pour le
developper.
Mais Hauts et Puissans Seigneurs! ayant Vôtre Sagesse pour
garante, j’ose me flater que mon fils, fidele aux principes de
l’honneur, aÿant eu l’occasion de signaler son zèle pour le
service de l’Etat, jusqu’a meriter Vôtre approbation, en aÿe
obtenu cette glorieuse recompense, sinon comme telle, au moins
come une avance pour servir de ressort à sa valeur naissante.
Que la destinée de mon fils est heureuse Hauts et Puissans
Seigneurs! ayant l’honneur de participer à la gloire de Vos
illustres traveaux et aux avantages d’une Liberté inestimable.
Mais tout son sang suffira-t-il pour meriter de tels bienfaits?
Que je puisse donc guider ses pas dans cette Carriere brillante,
et aider sa jeunesse de mes conseils et de mon experience pour le
rendre digne de ses Grands Bienfaiteurs, et de mes esperences, qui
n’aboutissent à rien moins qu’à l’élever au rang des plus utils
instrumens de Vôtre gloire, et du digne Citoyen d’une Nation
laquelle, par sa Constitution politique, et par la Sagesse de ses
Loix ne tardera pas de devenir L’Azile des Peuples.
Donc les Voeux que je fais pour le plus heureux Succes de la
Cause pour laquelle Vos Hautes Puissences ont veilles jusqu’ici
avec autant de Sagesse, que combattu avec Art et Constance, ne
sont pas moins justes par rapport à la Cause même, que par
l’Interêt general des Nations.
Connoissant d’ailleurs la haine vertueuse que l’on doit à
l’Oppresseur, et mu par un Sentiment des plus vifs pour les droits
de l’Humanité, je ne souhaite rien tant, que d’emploÿer tout mon
Zèle pour le Service de Vos Hautes Puissences. Or n’etant pas tout
à fait aveugle sur les Interêts a conduir et à menager, j’ose me
flater de Vous en Conveincre, que tout eloigné que je suis, je
n’en merite pas moins d’être censé Vôtre Concitoÿen, et admi à
l’honneur du partage de la gloire de Vos Succes, si Vous me
jugerez digne de m’en confier quelque partie.
Voila de L’Ambition direz Vous! Mais y en a t il de plus juste
et de plus digne, qu’au bout de soixante trois ans et aprés avoir
lutté pendant présque la moitié de sa Vie contre les horreurs du
Despotisme, on consacre les restes de son Zele presque refroidi
pour le bien être de la Posterité, dans une occasion si favorable
pour venger l’humanité? Voila mon fils pour Otage en attendant que
je Vous en delivre le reste, tous imbus de mes Principes, et
disposes de meriter l’ho[nneur] de l’Indigenat par la Valeur. Mais
le tems etant precieux, et point à perdre par des delais, j’ai cru
devoir informer Monsieur Franklin Envoyé de V. H. P. [à la] Cour
de France, en faisant lui parvenir la presente toute ouverte, pour
me prêter aux avances, en attendant le resultat de Vos Hautes
Puissences. Les assurant de ces plus parfaits et plus profonds
Respects avec lequel j’ai l’honneur d’être Mes Seigneurs Vos
Hautes Puissences le trés humble trés obeissant et trés zelé
Serviteur