Dieu seul voit le detaille de mes peinnes. Je vais les confier avec assurance a un Philosophe, un legislateur respecté, admiré d’un bout du pole a l’autre, certain qu’il me gardera le secret, esperant qu’il voudra bien me permettre de justifier tout ce que je vais avoir l’honeur de luÿ dire.
Il est des Etre, Monsieur, sur qui les malheurs semblent s’accumuler tous a la fois. Je suis de ce nombre, apres m’etre ecrassé pour faire honeur aux dettes des auteurs de mes jours, dans le mesme instant pour ainsi dire, je fus reformé par M. de St. germain, mon fils ainé se cassa le bras en deux endroits, une femme de chambre que nous aimions, qui nous avoit suivi a paris, mourut dans les bras de mon Epouse apres trente huit jours d’une fievre putride, ma femme gagna sa maladie, ma mere, ma fille, essuierent le mesme accidents et furent tous, longtems et ensemble entre la vie et la mort, mon fils a peinne retabli de son bras se donna un effort et attrapa une hernie, a ces evenements cruelles et couteux, en succeda un, qui en augmentant la depense nous donna quelsques consolation, ma femme accoucha de deux beaux garcons, bien vivants, bien portants, qu’elle nourrit, qu’elle cherit comme ceux qu’elle a eus au paravant … Je tiens a tous ce monde. Monsieur, j’aÿ l’honeur d’appartenir de tres prés a Monsieur et Madame de Maurepas, a M.de de Montbareÿ, a M. Amelot etc. etc. J’aÿ leur estime, ils ont mil bontés pour moi, j’aÿ la promesse dune lieutenance colonel, mon beau pere celle d’une place dans les finances, mais je suis sans fortunne, epuisé, n’osant ouvrir la bouche crainte d’avoir soif, depuis deux ans a paris, accablé d’accidents domestiques, ayant presque coulé a font toutes mes resoursses, a la veille de reussire, a la veille d’etre placé, je suis aussi a la veille de me bruler la cervelle, je suis depuis huits jours comme un homme au desespoir, faute de ce malheureux mé ? le nerf des affaires, je ne puis voir ni mes parents, ni mes protecteurs chargé d’une mere de 80. ans que je cheris plus que moimesme, d’un beau pere comme moi sans fortunne, d’une femme charmante, de quatres enfants beaux comme l’amour, de trois domestiques indispensables dont un depuis quarante ans dans la maison, je ne scais ou donner de la tette, je suis comme un fou, M. le Prince de Montbareÿ ma accablé de gratifications depuis deux ans, mais ces graces ne sont que des accessoires qui eloignent souvent le Principal, j’aÿ pris le parti de solliciter ce dernier, et j’aÿ fais comme celuÿ qui songant a tous, oublie les moiens de subsister. Le premier du mois, dans trois jours, je vais essuier des affronts, auxquelles je ne puis penser sans fremir, je n’en dort point, je cache difficillement mes chagrins a ceux qui m’entourent, cela ajoute aux leurs et aux miens. On ma manque de parolle, je seraits contraint de manquer a la mienne et cela me tue.
Je n’ais pour moi, Monsieur, que le hazard de la naissance vingt deux ans de service, de bonnes moeurs, des moeurs pures une conduite irreprochable, qu’est ce que tous cela sans fortunne. Je suis pauvre, malheureux, on me veux du bien, faute des moiens de me montrer, d’aller, de venir, de faire ma cour aux uns, solliciter presser les autres … dans un pays ou tout est couteux, je serais obligé d’abandonner la partie et me livrer au plus affreux desespoir. Si je connoissois un etre pour qui on eut plus de veneration que pour vous, Monsieur, je m’i adresserois … si vous connoissiez, si vous entriés dans le detaille de ma cruelle position, elle vous feroit fremir. Il n’i a qu’a vous, a qui je puisse sans rougir faire la confidence de mon secret. Il n’i a que de vous, dont je puisse sans rougir, recevoir des secours, jusqu’au moment ou je puisse avoir l’honneur de vous remettre, tems que je ne puis limiter, c’est l’enthousiasme que vous inspiré, qui me donne cette confiance, vous n’abuserés pas de mon secret. Je me croirois deshonoré si tout autre que le createur des Etats Reunis de l’amerique, scavoit la demarche que je fais. M. de St. paul est un de mes bons amis, il connois la bonne volonté de mde. de maurepas sur mon compte. Parlé lui de moi sans qu’il se doute pourquoi. Je joins ici la note du prince de Conde lors de la Reforme elle me flatte et justifie ce que j’avance.
Vous este homme, grand homme, vous este bienfaisant, je suis un pere de famille malheureux mais bien malheureux. Jaÿ l’honeur d’etre avec un tres profond respect, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur