Les nouvelles publiques nous annoncent que l’Amérique-unie, qui vous est si redevable du bonheur d’etre libre, demande quelques Prêtres françois pour les Catholiques qui Sont dans Son Sein. L’Amour particulier que j’ai depuis longtems pour votre République, qui sera si heureuse si elle conserve ses bonnes moeurs, m’engage à m’offrir, pour coopérer avec l’assistance Divine, a une si bonne oeuvre; J’ignore, Monsiegneur, si vous vous mêlez de cette affaire, mais je sais que votre Protection est efficace; si vous daignez vous intéresser en ma faveur j’espere que vous n’en aurez point de regret.
Quand je considere, Monseigneur, vos grandes occupations et les choses avantageuses que je me trouve obligé de dire ici de moi même, j’ai peine à ne pas m’accuser d’imprudence et de témérité; mais j’espere que l’envie d’être utile à votre Pays me fera trouver grace devant vos yeux; je Vous fait donc, Monsiegneur, la même priere que st. Paul adressoit aux Corinthiens: Supportez moi, si je suis contraint de me glorifier un peu: Supportate me...ut et ego modicum quid glorier. II Corint. Ch. xi vers. 1. et 16.
Je Suis, Monseigneur, dans ma trente troisieme année: Il y a environ huit ans que l’on ma confié l’enseignemnt public; j’ose dire que je me suis appliqué à ce point important: mes instructions et exhortations ont roulé sur l’amour de Dieu et du Prochain, en quoi, selon Jesus-Christ, consiste toute la Loi et les Prophetes: in his duobus mandatis, universa Lex pendet et Prophetae. Math xxii vers. 40. Je cite, Monseigneur, comme vous voyez, notre version, je pense que la Vôtre n’en differe pas beaucoup.
J’ai le bonheur d’être convaincu de la vérité de la Religion dans laquelle le Seigneur m’a fait naître; mais je ne Suis point de ces esprits insociables, qui haissent les Personnes pensant differemment qu’eux; je Sais que Dieu excuse toute erreur involontaire; et je desire imiter le Samaritain, qui rendit toutes Sortes de bons offices à une Personne d’une croyance différente de la sienne. Jesus-Christ nous ordonne à tous de nous comporter ainsi, nous disant à chacun en particulier: faites de même: tu fac similiter. Luc x. vers. 27.
Au reste, Monseigneur, ce n’est pas parce que je me trouve mal, que j’ai l’honneur de Vous prier de me faire admettre au nombre des Prêtres qui doivent passer dans vos Etats; j’ai eu le bonheur de me plaire dans les differens endroits ou la Providence m’a placé; et depuis cinq ans, entre autre, je suis avec un Curé vertueux, honnete, et plein de bonté; je ne pense pas avoir aucun ennemi dans la Paroisse qui est de plus de six cents ames: j’ai toujours ambitionné la louange que donne l’Ecriture aux premiers Chrétiens: Ils étoient, dit elle, agreable à tout le Peuple: habentes gratiam ad omnem Plebem. Actes. ch. 2. vers. 97. Ce n’est pas que je menage les vices de la Paroisse, je les reprends avec force, mais je tâche de le faire avec toute lhonnêteté et tout le ménagement possibles.
J’aurois pu, Monseigneur, vous faire solliciter par des Personnes dont les noms sont avantageusement connus dans l’Amérique-unie, mais je n’ai voulu employer nulle ame avant de savoir, si je suis assez heureux pour que ma proposition agrée à Votre Excellence
J’ai l’honneur d’etre avec le plus profond respect et la plus haute Considération De Votre Excellence Le très humble et très dévoué serviteur