J.-D. Ramier de Raudière to the American Commissioners (unpublished)
Messieurs,

N’étant pas homme de Lettres affiché, parce que j’ay toûjours crû n’avoir pas assez de talents pour paroître sur les bancs de la belle Litterature, je n’ai par consequent aucun droit pour prétendre à des applaudissemens, à moins que ce ne soit par l’indulgence des Amis de l’humanité.

Ce n’est qu’en Vous considérant respectueusement comme tels, que j’ay pris la liberté de vous adresser l’ébauche d’un Poëme à qui j’ay peut être donné trop hardiment le tître d’Ameriquïade. Il étoit accompagné d’un Epître aux généreux Protecteurs des Talens, parce que j’ose me persuader que vous êtes de ce nombre; et enfin d’une Lettre qui par son énormité pourroit passer pour le Colosse du talent épistolaire. Mais quels sont ceux qui souffrent de grandes douleurs et à qui l’on ne pardonne pas des soupirs des gémissemens et des importunités? Daignez en me pardonnat celle cy, m’ordonner si vous le jugez à propos, que ce soit la derniere; je vous obeirai sans me plaindre. Si je murmurois, ce ne seroit que contre la Fortune qui me persécute en ce jour trop cruellement. Mais pour derniere grace, ne me refusez pas celle de m’apprendre, si les trop légères productions que je viens de nommer sont arrivées à bon port entre vos mains et avec le même cachet dont je me sers pour cette Lettre, et si vous avez eu la bonté de me répondre à l’adresse d’Hermann à Cambray, parce que j’ay lieu de soupçonner quelqu’ infidelité de la part de celuy à qui j’ai adressé mon paquet pour le remettre au Sr. Hermann Louis à Cambray, ou ce paquet à demeuré douze jours pour ajoûter un nouveau poids à mes douleurs. Inserrés je vous prie dans votre reponse le cachet de l’enveloppe que vous avez recû si ce n’etoit pas le mien. Je ne sçay si je serai encore dans cette ville, quand votre Lettre y arrivera; mais en cas que je sois obligé par un excès d’adversité de m’en éloigner, j’ay déja pris des mesures pour qu’elle me parvienne. Je la recevray pénétré du profond respect avec lequel je suis, Messieurs, Votre très humble et tres obeissant serviteur

J.C.R. de Raudiere

Mon adresse A la petite Nef
à Tournay ce 22. Mars
1778.
Endorsed: Begging Verses
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