Que vois-je? ô Liberte sacrée!
Divinité chere aux Mortels,
Digne partout de leurs Autels,
Sans être partout adorée,
Tu regnes donc sur Treize Etats,
où l’Aurore des Jours d’Astrée
succede a l’horreur des combats?
Ainsi l’intrepide Amerique
a su revendiquer ses droits,
En se donnant de justes Loix,
Braver le pouvoir despotique.
Ainsi Jadis Treize Cantons
Poursuivoient l’aigle Germanique
Et le chassoient loin de leurs Monts.
Emblême des Coeurs magnanimes
J’admire cet hercule Enfant,
qui figure un Peuple naissant
De heros et d’Ames Sublimes:
Déja deux serpens tortueux,
saisis par luy, sont les victimes
De son courage impetueux.
Mais, qui le couvre d’une Egide
que réhausse l’eclat des Lys?
Est-ce Minerve? ah! c’est Louis;
L’ami, le Bienfaiteur d’Alcide,
qui, d’un Javelot pénétrant,
Arrête l’ardeur homicide
De ce Léopard dévorant.
Ainsi triomphe le Ministre
qui d’un grand Roy toucha le coeur,
Et sur l’armer en sa faveur,
Contre le Sort le plus sinistre.
O Jours glorieux du Congrès,
qui sans ressources administre,
soutient la Guerre et fait la Paix!
Rome, en naissant, Carthage, Athênes
Eûrent un foible accroissement:
icy l’ouvrage du Moment
offre aux yeux les plus vastes scénes;
Et cet Empire tout nouveau,
Dont la sagesse tient les Rênes,
N’est point un Empire au berceau.
Nous comptons déja ses grands hommes,
ses Ministres, et ses Guerriers:
Combien Sont couverts de lauriers,
Citoyens simples, Gentils-hommes?
Leur nombre les a confondus,
Et chez Eux le siécle, où nous Sommes,
Est le vray siecle des Vertus.
Peuples, après tant de fatigues,
Loin de ces Freres Ennemis,
Dont l’or eprouvoit vos amis
Dans le Creuset Sourd des intrigues,
Goûtez les fruits d’un long repos,
Dont les Dieux, envers vous prodigues,
Daignent couronner vos Travaux.
Defrichez ces vastes Frontieres,
Braves soldats, ce Sont vos Biens:
Vivez, fortunés Citoyens,
Libres et Rois, sous vos Bannieres:
Partagez ces champs engraissés,
Et devenus les Cimetieres
De vos Ennemis terrassés.
Pour la Liberté de ses Villes
La Gréce tremblante autrefois
Ne dut son salut qu’aux exploits
De Miltiade et des Dix Milles.
York, Saratoga, Trenton …
Que de champs en Lauriers fertiles,
Dignes des champs de Marathon!
De la Liberté reconnuë
Le Chef, et le plus ferme appui
Ne veut rien stipuler pour lui:
sa Gloire le porte a la Nuë:
Noble Emule d’un Dictateur
il va reprendre la charruë
avec un bras triomphateur.
L’Orgueil dans une Ame ordinaire
cherche l’eclat d’un vain honneur
Mais la Vertu dans un grand coeur
Dedaigne ce Prix mercenaire:
Ainsi toujours trouvera-t-on
Modestes, et loin du vulgaire,
Les Turenne, les Wasingston.
Et toy, Franklin, dont la Sagesse
Ne travailla jamais en vain:
Ami des Dieux, Toy, dont la main
Conduit leur Foudre vengeresse;
Lumiere de nos Jours! ô Toy,
Dont le Genie, avec adresse,
Para les coups d’un Peuple Roy:
Vainqueur de la Nuit la plus sombre
Tes soins, tes travaux glorieux
Du sort le plus injurieux
Enfin ont su dissiper l’ombre;
Au théatre de tes Succès,
chez des Admirateurs sans nombre,
Jouis, avec Nous, de la Paix.
Coquillot |
Prieur de L’Epinay. |