From — Coquillet, Prior of Epinay (unpublished)
Louviers ce 1. aoust 1783.
Ode 5 a son Excellence Monsieur B. Franklin Ambassadeur des Etats-Unis En recevant de luy la Medaille frappée Par les Americains en 1782.

  Que vois-je? ô Liberte sacrée!

Divinité chere aux Mortels,

Digne partout de leurs Autels,

Sans être partout adorée,

Tu regnes donc sur Treize Etats,

où l’Aurore des Jours d’Astrée

succede a l’horreur des combats?

  Ainsi l’intrepide Amerique

a su revendiquer ses droits,

En se donnant de justes Loix,

Braver le pouvoir despotique.

Ainsi Jadis Treize Cantons

Poursuivoient l’aigle Germanique

Et le chassoient loin de leurs Monts.

  Emblême des Coeurs magnanimes

J’admire cet hercule Enfant,

qui figure un Peuple naissant

De heros et d’Ames Sublimes:

Déja deux serpens tortueux,

saisis par luy, sont les victimes

De son courage impetueux.

  Mais, qui le couvre d’une Egide

que réhausse l’eclat des Lys?

Est-ce Minerve? ah! c’est Louis;

L’ami, le Bienfaiteur d’Alcide,

qui, d’un Javelot pénétrant,

Arrête l’ardeur homicide

De ce Léopard dévorant.

  Ainsi triomphe le Ministre

qui d’un grand Roy toucha le coeur,

Et sur l’armer en sa faveur,

Contre le Sort le plus sinistre.

O Jours glorieux du Congrès,

qui sans ressources administre,

soutient la Guerre et fait la Paix!

  Rome, en naissant, Carthage, Athênes

Eûrent un foible accroissement:

icy l’ouvrage du Moment

offre aux yeux les plus vastes scénes;

Et cet Empire tout nouveau,

Dont la sagesse tient les Rênes,

N’est point un Empire au berceau.

  Nous comptons déja ses grands hommes,

ses Ministres, et ses Guerriers:

Combien Sont couverts de lauriers,

Citoyens simples, Gentils-hommes?

Leur nombre les a confondus,

Et chez Eux le siécle, où nous Sommes,

Est le vray siecle des Vertus.

  Peuples, après tant de fatigues,

Loin de ces Freres Ennemis,

Dont l’or eprouvoit vos amis

Dans le Creuset Sourd des intrigues,

Goûtez les fruits d’un long repos,

Dont les Dieux, envers vous prodigues,

Daignent couronner vos Travaux.

  Defrichez ces vastes Frontieres,

Braves soldats, ce Sont vos Biens:

Vivez, fortunés Citoyens,

Libres et Rois, sous vos Bannieres:

Partagez ces champs engraissés,

Et devenus les Cimetieres

De vos Ennemis terrassés.

  Pour la Liberté de ses Villes

La Gréce tremblante autrefois

Ne dut son salut qu’aux exploits

De Miltiade et des Dix Milles.

York, Saratoga, Trenton …

Que de champs en Lauriers fertiles,

Dignes des champs de Marathon!

  De la Liberté reconnuë

Le Chef, et le plus ferme appui

Ne veut rien stipuler pour lui:

sa Gloire le porte a la Nuë:

Noble Emule d’un Dictateur

il va reprendre la charruë

avec un bras triomphateur.

  L’Orgueil dans une Ame ordinaire

cherche l’eclat d’un vain honneur

Mais la Vertu dans un grand coeur

Dedaigne ce Prix mercenaire:

Ainsi toujours trouvera-t-on

Modestes, et loin du vulgaire,

Les Turenne, les Wasingston.

  Et toy, Franklin, dont la Sagesse

Ne travailla jamais en vain:

Ami des Dieux, Toy, dont la main

Conduit leur Foudre vengeresse;

Lumiere de nos Jours! ô Toy,

Dont le Genie, avec adresse,

Para les coups d’un Peuple Roy:

  Vainqueur de la Nuit la plus sombre

Tes soins, tes travaux glorieux

Du sort le plus injurieux

Enfin ont su dissiper l’ombre;

Au théatre de tes Succès,

chez des Admirateurs sans nombre,

Jouis, avec Nous, de la Paix.

Coquillot
Prieur de L’Epinay.
Son Excellence me permet-elle de faire imprimer ce Remercîment? C’est le Tribut de la Reconnoissance, tout à la fois et de l’admiration.
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