Il n’y à point de créature humaine sur la Terre qui soit plus malheureuse et qui ait un sort plus triste que moi. Cependant personne n’a pitié de mon déplorable état, et je crois qu’il n’y à plus pour moi de compassion dans le monde, car personne ne daigne me tendre une main secourable. J’ai osé demander humblement du secours à plusieurs Personnes d’un Rang supérieur et d’un Mérite Distingué, mais jusqu’a présent les Mémoires que j’ai osé me donner l’honneur de Leur adresser n’ont point produit les effets que j’osois m’en promettre; je sais pourtant que ces Personnes Illustres ont un penchant généreux à faire du bien à ceux qui sont dans l’indigence et que Leurs Charités pour les pauvres vas jusqu’à l’héroïsme. Ainsi ce ne peut être que des occupations nombreuses et importantes, qui les auront probablement empêchés de jetter un regard sur mes très humbles requêtes.
Je sais, Monsieur, que je suis trés audacieux d’oser ainsi interrompre Votre Excellence, je Lui en demande trés humblement pardon, et j’ose espérer que Votre Grandeur voudra bien pardonner à un pauvre infortuné qui se voit exposé à toutes les horreurs de la miseres. Ah! que mon désespoir, que ma voix plaintive Vous flêchisse! Je suis un étranger, il est vrai, mais cependant je suis un homme; et comme il est connu que Votre Charité est impartiale, et que Votre Bonté et Votre Justice en toute choses est grande, vous ne pourrez jamais refuser ma Demande, je cherche respectueusement en vous seul ma consolation, et puisque Vous en consolés tant d’autres, daignez, je Vous supplie au nom de tout ce qu’il y à de plus sacrés, de vouloir bien répandre sur mes maux divers une goute de Vos Graces; j’invoquerai constamment Votre Clêmence, dites, s’il vous plait, seulement une parole et je ne mourrai pas, Etendez, Monsieur, Vos bienfaits sur moi, et puis que vous n’employez votre Autorité qu’à faire des heureux, daignez porter sur moi vos regards. Je ne m’ecarterai jamais du respect qu’inspire Votre Age et Votre grande réputation. Il n’y â qu’une ame lache et basse qui puisse insulter la vieillesse et le Genie. Je n’ai d’autre intérêt en écrivant que celui de la vérité et de ma conservation, et si l’on veut toujours étouffer ces intérêt dans mon ame par une politique timide et silencieuse on éteindra bientôt [en] moi le peu de vie qui me reste.
La bonté de Dieu versera sur vous pour recompense de Vos Eminentes Vertus, les bénédictions que je Vous souhaite de tout mon coeur. Je n’ajouterai aux vérités que j’ai eu l’honneur de Vous dire, que celle ci. C’est, Monsieur, que j’ai l’honneur d’etre avec le zèle le plus parfait et la plus respectueuse Vénération, Monsieur, De Votre Excellence Le trés humble et trés obéissant serviteur