Vous nous laissez, mon cher amy, dans une grande disette de vos nouvelles les dernieres sont du 18 janvier, je ne suis pas si paresseux que vous, vous avez du voir par ma derniere la desastreuse aventure des chevreuils dont 4 morts et 3 d’une tres mauvaise santé de sorte que Mr. Le Roy dont je vous ai fait passer la lettre n’a pas jugé a propos de vous les envoyer et qu’il s’est chargé d’en disposer d’autres pour le mois de septembre prochain; Mr. Thierry m’a remis le prix des arbres, a 5 l.t. par Dollard la somme de 16 Dollards sest montée a 90 l.t. de france de sorte que j’ay encore de fonds a vous 213 l.t. 10 S. sans compter le gain que je dois faire sur le change des 9 louis d’or que vous m’avez laissés, mais je n’ay point payé vos arbres, j’attends que vous m’en accusiez la reception, j’en suis convenu avéc Mr. Williams, je nai pas non plus payé vos souliers a Mr. Mazzard avéc qui je suis brouillé, il m’avoit donné parole de les envoyer chez Mr. Grand six jours après celuy ou il luy etoient commandés pour qu’ils puissent partir par l’avant dernier Paquebot, il ne la point fait, j’y ai renvoyé deux fois, et ce monsieur ayant toujours manqué de Parole, j’y ai été moy même, je l’ai fort grondé, je luy ai commandé une paire de plus afin de la garder et de pouvoir au moins me servir d’un autre sil continuoit a estre inéxact, il ne la pas été d’avantage et ma envoyé par mon laquais la reponse cy incluse, de sorte que j’ignore le sort de ces malheureux souliers et qu’il sera nécessaire si vous voulez que j’employe un autre cordonnier que vous me renvoyez un vieux soulier, le dit Sieur a dit a mon La Pierre qu’il n’avoit pas besoin de moy pour vous envoyer vos chaussures et pour en estre payé.
Je vous envoye le livre sur le commerce et la navigation des anciens par Mr.huet mais je n’ai point encore trouvé celuy sur le gouvernement de Venise par amelot de la houssaye, il est fort rare.
Mr. de la Valete a été fort malade et les medecins ne veulent pas qu’il aille en amerique cette année, mais il m’a dit que Mr. De lacaze partiroit par le paquebot de Juin et se chargeroit de vostre chien, j’en ai trouvé un qu’on m’assure tres bon, il a couté 3 louis et Mr. De lacaze le prendra a Dreux a son passage pour aller a l’orient.
Mon beaufrere est enfin arrivé de l’Inde avéc une fort mauvaise santé, si on luy rend justice il sera brigadier des armées du Roy, je l’espere, cette affaire sera decidée incessament.
Nous navons aucunes nouvelles l’affaire du cardinal est sur le point d’estre jugée, elle paroist tourner favorablement pour luy, vraisemblablement il sera declaré imbecille mais par dela la permission.
Madame Paris a perdu son fils, elle en est inconsolable et ma voisine aussi, depuis ce malheur ils sont a Passy mais ils en doivent repartir cette semaine pour aller a Villers passer une partie de l’été. Madame de Malachel est grosse et sera du voyage. Mr. Brillon a la goute depuis 5 semaines, elle commence a se dissiper.
Adieu mon cher amy je vous embrasse de tout mon coeur, ma femme et ma fille vous assurent de leur attachement, nous ne nous accoutumerons jamais a vostre absence. Ecrivez-moy donc, plus souvent plus longuement, faites reponses a mes lettres assurez le grand Papa de mon respect sil se souvient encore de moy, il y a huit mois qu’il ne ma écrit, embrassez aussi pour moy Benjamin et Mr. Williams