From — Fleury le jeune (unpublished)
Avranches basse normandie 21 novembre 1780
Monsieur,

La Liberté que je prends de vous interrompre dans vos hautes occupations, provient du desir que j’ai toujours eu de vivre citoien d’un peuple Libre, vivant sous des Loix dictées par le genie, L’amour patriotique, et l’humanité; jamais Circonstance ne parut plus favorable à mes souhaits: votre nation qui vat acquerir par de genereux efforts le pretieux thresor de sa Liberté, qui dans un siecle philosophique doit recevoir des loix de la sagesse du nouvel areopage sur Lequel Les peuples asservis de la terre tiennent tiennent [sic] des yeux attentifs, et envieux, cette heureuse Nation, disje, fixe mon attention depuis L’epoque ou elle a eu La noble audaçe de secouer Le joug de sa dure, et imperieuse marâtre. Comme ma devise a toujours eté, ibi Libertas, ibi patria, je profite donc de cette heureuse revolution, et ose avec franchise m’adresser à vous, Monsieur qui savez si bien remplir Les voeux de votre patrie, pour briguer une plaçe parmi ces fortunés mortels: Trop heureux, si mes foibles talents pouvoient Leur etre de quelque utilité dans L’etat de crise ou Les reduit encore Le fleau de la guerre, j’en connois, helas! tous les ravages, ayant des ma tendre jeunesse marché par goût sous les drapeaux de ma patrie; mais raplé dans le sein de ma famille par ses sollicitudes, j’ai pris L’etat de pharmaçie dans lequel je suis maitre, et que je fais valoir depuis une dizaine d’années dans ma ville avec quelque consideration, y faisant en même tems L’office de major des troupes bourgeoises, nommé tel par Le gouverneur de notre province: ennuié de vegeter dans le coin reculé que j’habite, s’il plaisoit à vos bontés d’agreer mes tres humbles serviçes dans L’etat que je professe, et de me procurer dans ce païs tout à fait etranger pour moi, une plaçe honorable à la suitte de vos armees, ou dans vos hopitaux generaux, je me determinerois à votre premiere nouvelle à vendre à petit bruit le peu de fortune que je possede afin de me fixer irrevocablement au milieu de vos compatriotes; je m’attacherois par une application suivie, et un zele ardent pour leur service, à justifier L’honneur de votre protection, et de votre choix, et continuerois toute ma vie à me rendre digne de la grace dont il vous auroit plu d’honorer celui qui est avec tout le devouement, et le respect possible Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur

fleury Le jeune
maitre en pharmacie
Mon age est de trente quatre ans si ces emigrations n’etoient pas du goût de notre gouvernement, je prendrois les precautions necessaires en pareil cas, ou plutot j’attendrois vos ordres sur cet article.
Endorsed: Fleury le Jeune Avranches 21. Nov. 1780.
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