Permettés que jai lhonneur de vous adresser une lettre a l’adresse de Mr. le baron de Steiben inspecteur general de toutes les trouppes des etats unis de l’amerique, et que je desirerois qu’il recut le plustost possible, vu qu’elle contient plusieurs articles, dont un est des plus avantageux pour les etats et duquel jai lhonneur de vous faire part en meme-temps: il s’agit donc, Monsieur, de vous produire une infinité de salpêtre par des plantations artificielles dont le sécret est purement réservé a un homme de ma connoissance qui d’aprés des travaux immenses et des experiences sans nombre est enfin parvénu au point d’en faire produire autant quil veut et de la meilleure qualité que l’on peut désirer. Cet homme est appellé dans ce moment cy a vienne pour y faire des plantations, et d’aprés qu’il aura rempli cet objet, il ira egalement en russie, où il est mandé. Comme cet homme ma beaucoup d’obligations pour differents services que je lui ai rendus, et quil a 3 garcons en etat de travailler, il s’est engagé de m’en donner un avec son sécret pour l’amerique, si toutefois on veut lui faire un sort equivalent au sacrifice quil fera de s’expatrier, et a un sécret de cette nature dont toutes les accadémies de l’europe ont jusqu’a présent vainement travaillé a y pouvoir parvenir. Nonobstant cela il apportera avec lui une facon toute nouvelle de rafiner le salpêtre dans laquelle il ni a présque point de déchet; chose bien differente de toutes celles dont nous nous sommes servis jusqu’a present, et qui en outre de la n’exige qu’une cuitte, et par consequent coutte deux tiers de moins de frais et le nître quil en retire est de la meilleur qualité et a une force superieur a tous les autres.
Si je vous promet, Monsieur, de vous procurer un homme d’une espece aussi rare, c’est par réconnoissance de la part du pére, des services que j’ai rendus en plusieurs occasions a sa famille: Voila, Monsieur, le premier article remplis a l’exception de ses prétentions qui sont d’une pension honnette garantis par les etats ainsi que des possessions en terre pour s’établir dans le paÿs, et un grade militaire soit a la suitte de l’artillerie ou du genie. Observés je vous prie, Monsieur, quil ne prétend rien de tous ce quil demande, avant qu’il n’ait fait ses épreuves; mais il veut que tous ce dont il sera convenu avec vous Monsieur soit a labri de toutes difficultés et par consequent incontestable, si toutefois ses promesses répondent à ses engagements.
Il demande egalement aprés avoir fait ses arrangements avec vous de quoi fournir aux frais de transport de ses équipages et de sa personne jusqu’à l’endroit qui lui sera assigné pour s’embarquer.
Second article, dont il est question de moi, Monsieur; j’ai 31 ans de service dont 18 dans l’artillerie de france qui est ma patrie, du quel sérvice je me suis retiré en 63 après la paix faitte, vu des affaires d’interest que javois en allemagne, m’y étant marié pendant la guerre. Je puis vous faire voir que j’i ay servis avec distinction ainsi que dans la qualité d’aide de camp de Mr. le maréchal de Broglie pendant deux campagne et je me flatte d’avoir emporté avec moi le regret de tout mon Corps pour passer au service de S. Al. sme. le Duc régnant de Wirtemberg en qualité de son aide de camp, de son chambellan, et de major de sa garde-noble.
Jai lhonneur donc de vous proposer mes services, ne voyant nul perspectives dans celui ou je suis, qui puisse flatter mon ambition et d’ailleurs ayant un grand nom, et peu de fortune, et me flattant de quelque connoissances dans la partie de l’artillerie, jointe à l’experience que sept campagnes m’ont mis dans le cas d’acquerir, je pourrois sans trop de vanité être de quelqu’utilité aux états unis de l’amerique, que je regarderois comme ma patrie si j i étois attaché par les liens du bien-etre, tant pour ma personne que pour ma famille qui iroit avec moi... l’aisné de mes garcons a 14 ans et est depuis quelqu’année lieutenant au régiment d’anhalt, formant la seconde division qui doit partir incessament pour réjoindre Mr. le Comte de Rochambeau; vous voyez Monsieur, que le fils est sur le point de prévénir son pere pour faire cause-commune avec vous.
Jai lhonneur donc de vous proposer mes services en vous démandant le grade de Colonel d’artillerie avec des appointemens suffisants a m’entretenir honnettement, ainsi que des possessions de qualité à pouvoir les cultiver fructueusement; en outre de la, un desdommagement pécuniaire des frais que mon deplacement m’occasionnera, que je rémetterai à votre discretion, ainsi que le transport par mer, tant de ma personne, ma famille et mes equipages, franc, jusqu’a ma destination. Voilà, Monsieur, ce qui m’est indispensable malgrés tout l’envie que jai de me sacrifier au service des etats unis de l’amerique.
Je met un troisieme article qui est des plus essentiel pour les états et dont je ne doute nullement qu’ils ne m’aient un obligation infinie; cest de leur procurer un des meilleurs sujets qu’ils n’auront a leur service. Cest un officier ingenieur auquel jai fait donner une Compagnie dans l’artillerie du Duc de Wirtemberg; mais s’appercévant du peu de perspective, tant pour son avancement, que pour l’augmentation de ses Connoissances, il passa au service du Roy de prusse il i a 3 ans qui le fit examiner tres rigoureusement, tant dans la partie de l’artillerie, que dans celle du genie. Sa majesté satisfaitte dans tous les points, se l’est attaché a sa suitte en le faisant capitaine dans son genie, et le considére comme un de ses meilleurs officiers dans les deux parties. Comme il est tres attaché a ma famille, et que d’ailleurs je lui ay des grandes obligations d’avoir instruit mon fils aisné, tant dans les mathematiques, l’histoire, et les fortifications, je crois lui dévoir de ne pas me séparer de lui, et le mettre à mesme de se faire un sort honnette. En outre de ses rares talents et de ses profondes connoissances à l’age de 32 ans, il est irréprochable dans sa conduitte il est homme de condition, et sent ce quil est née.
Je démande pour lui, Monsieur, quil soit fait major en pied dans le corps de l’artillerie, et qu’on lui donne des possessions suffisantes à pouvoir le fixer.
Il me reste a vous prier, Monsieur, de ne pas me confondre dans la classe de ceux qui cherchent sous tel pretexte que ce soit à se faire un état; jen ay un, Monsieur, mais que je quitterai tres volontiers vû les raisons que j’ai eü lhonneur de vous dire cy dessus.
Et dailleurs a mon âge qui est de 48 an, l’on doit être réflechi et ne rien mettre au hazard. C’est ce qui me fait vous prier de vouloir bien me faire l’honneur de me répondre le plus tost possible et d’user de la discrétion, dont un homme de votre merite et de votre rang est capable.
Agréez je vous supplie les sentimens de toute la vénération qui vous est due a tous égard, ainsi que ceux de la haute consideration avec laquelle jai lhonneur dêtre Monsieur votre tres humble et tres obeissant serviteur