Mon cher bon ami sera bien surpris de recevoir une lettre de moi datée de france, quand ni lui ni moi ne nous y attendions. Je suis parti de Philadelphie le 26. 8bre. dernier sur un vaisseau de guerre appartenant au Congrès, et en trente jours nous sommes venus jetter l’ancre dans la Baye de Quiberon. Nous avons pris chemin faisant deux vaisseaux anglois que nous avons amenés avec nous. Le vaisseau est destiné pour Nantes, mais les vents étant contraires pour entrer dans la Loire, nous avons attendu quelques jours dans la Baye, jusqu’à ce qu’impatient de mettre pied à terre, j’ai profité de l’occasion d’un bateau pour venir ici, d’où je me rendrai par terre à Nantes, où probablement je resterai peu de jours. Apprenant que la poste part d’ici ce soir, je saisis cette occasion pour vous saluer, ainsi que ma chere Madame Dubourg, Mesdemoiselles Priheron et Basseport, que j’espere avoir bientôt le plaisir de trouver en bonne santé.
Je suppose que Messieurs Deane et Morris ont l’honneur d’être connus de vous, et comme je ne sais pas leur adresse, je prends la liberté de leur adresser à chacun un mot sous votre couvert, et je vous prie de le leur faire remettre. J’aurai soin de vous rembourser toutes vos dépenses.
Je vois que vous avés eu de mauvaises nouvelles de nos affaires en amerique; mais elles ne sont pas vraies. Les anglois à l’aide de leurs vaisseaux ont gagné un pied à terre dans deux îles, mais ils ne se sont pas étendus dans le continent où nous les tenons en respect. Notre armée étoit à un mille ou deux de la leur, lorsque je suis parti, et retranchées l’une et l’autre. Dans différentes escarmouches qu’il y a eu dernierement entre des partis de 500 et de 1000 hommes de chaque côté, nous avons toujours eu l’avantage et les avons chassé du champ de bataille avec perte, notre feu faisant plus de ravage que le leur. Sur mer nous avons extrêmement molesté leur commerce en prenant un grand nombre de leurs vaisseaux des Indes Occidentales qui entrent journellement dans nos ports. Mais je ne veux pas m’arrêter sur cet objet jusqu’au moment où j’aurai le plaisir de vous voir.