From Jean-Chrêtien Schuster (unpublished)
Vienne en autriche le 8me fevrier 1783.
Monsieur!

J’eûs l’honneur de Vous êcrire une lettre au commencement de Mars de L’année 1778. pour Vous assûrer de ma profonde estime, et pour Vous marquer en même tems, que j’avois fait donner Votre nom de batême, et ceux de Messieurs Vos collégues dans ce tems-là M.M. Silas Deane, et Arthur Lee, à un fils, que ma femme alors avoit mis au monde, pour avoir toujours devant les yeux un objêt, qui me pût faire resouvenir à des personnages si illustres, si cheris, et si dignes de la gestion de l’importante affaire, dont ils êtoient chargés, qu’ils ont si sagement conduit, et à laquelle je prennois par conviction de la justice de la cause un part si vif.

Les mêmes sentiments que j’ay êu dés le commencement de Vos demelées avec l’Angleterre ont êté, et sont toujours encore gravés dans mon coeur, et si la priére peût attirer la benediction divine sur les conseils, et les armes, la mienne a sûrement eû quelque part à la bonne reûssite de votre cause.

Agréez à cette heure Monsieur les felicitations provenantes du fond de mon ame sur la belle perspective, dans laquelle Votre chere patrie se trouve portée. Plaise au souverain Directeur de tout de conserver à ses habitans ces beaux sentimens d’humanité, de justice, de moderation, et d’union, qui l’ont fait tant admirer, et parvenir à son bût desiré et à Vous, Monsieur, a Monsieur Silas Deane, à Monsieur Arthur Lée, à tous ses autres chefs, et à chaque individu, qui travailloit pour la juste cause commune, encore des jours bien longs, pour jouir du plaisir de la voir fleurir de plus en plus.

Votre filleul Benjamin Silas Arthur, que nous nommons le petit Americain et dont Vous, Monsieur, ainsi que M.M. Silas Deane, et Arthur Lee ont êté inscrits parains aux registres baptistaires de la metropole à St. Etienne de cette ville le 24. fevrier de l’année 1778, se porte bien, mais il a le malheur, de plaindre depuis 12. jours avec 5 autres freres, et une soeur, la perte d’une mére tendre, qui a emportée avec elle au tombeau une consideration egale à la mienne tant pour Vous Monsieur, que pour ses autres chers compéres, et laquelle j’ay aussi tout sujet de regretter.

J’espere que Vous Vous tiendrez bien assûré Monsieur de la sincerité de mon estime personelle pour Vous, et de mon attachement à Votre chere patrie, et à tout ce que l’interesse, vû que suivant ce que j’ay eû l’honneur de Vous dire ci-haut, ce n’est pas dés-à present que ces sentimens ont commencé à prendre racine, et par consequent je me flatte, que Vous voudrez bien daigner, de m’accorder en retour Votre bienveuillance.

Si Vous me donnerez permission Monsieur de m’informer de têms en têms de l’êtat de Votre santé, j’en auray une consolation infinie, et sous Votre aveû j’aurois aussi à Vous faire quelques demandes de la part de quelques personnes, qui sont egalement partisans zelés de Votre independence, aussi le reconnoitrois-je pour une faveur particuliere si Vous voudriez bien me donner quelques addresses de negotians à Boston, Philadelphie, Newyork, et Charlestown, dont je pourrois peut-être venir dans le cas d’avoir besoin. C’est du reste toujours avec la Consideration la plus-distinguée que jay l’honneur d’être Monsieur, et trés-estimé Compére! Votre trés-hûmble, et trés-obeissant Serviteur

Jean Chrêtien Schuster
Banquier dans cette ville.
Addressed: à Monsieur / Monsieur Benjamin Franklin / Ministre Plenipotentiaire des Treize / Etats unis d’Amerique, auprés de Sa / Majesté Trés-Chretienne. / à Paris.
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