Blanchette Caillot to William Temple Franklin (unpublished)
No 8 St G ce 5 fevrier 1786

Votre coeur doit vous dire que je ne puis vous oublyer et le numéro de cette lettre doit vous le prouver, j’ai enfin reçue ce qui peut s’appeller une lettre, c’est à dire celle dattée du 3 novembre, elle m’a expliqué le retard de la premiere que vous avez retrouvée sur la cheminée de Mon. jai long tems apres que vous l’aviez fait partire si Mon jai savoit le chagrain que ce retard m’a causé mais ce n’est pas sa faute! Une chôse qui me surprend mon bon ami c’est qu’ayant cette lettre dans les mains il ne vous soit pas venue dans l’idée de la décacheter et de m’ecrire un mot qui m’auroit mis au fait enfin j’ai reçu deux lettres et me voila plus tranquile. Le bon l’obligeant voisin vient de m’écrire de vous répondre vite vite si je veux que cette réponse parte par le paquebot. Heureusement que cet avertissement vient dans un veuvage par conséquent fort à propos, aussi me voila la plume à la main me dépêchant un peu, je puis dire comme vous on attend apres moi. J’espere pourtant avoir le tems de remplire mes quatre pages, si j’etois libre comme un républicain, j’aurois toujours soin de tenire une épitre prête, je ne voudrois pas écrire deux mot, surtout d’un bout du monde à l’autre. Ceci est une petite réfléction dont mon aimable lécteur peut profiter.

Votre lettre m’a fait un doux bonheur mon bon ami. Vous êtes content de votre pays, je l’avois prévu, pour en sentire le mérite il faut avoir l’esprit juste et surtout une âme honnête, qui mieux que ma petite éxélence pouvoit l’aprecier.

Si j’avois ma Blanchette avec moi je ne retournerois pas en Europe!! Que vous êtes aimable! Oh! mon bien aimé je ne suis pas avec vous parceque le parfait bonheur n’est pas sur la terre. Savez-vous mon ami que l’air de votre pays à déja fait du changement en vous, vous me dites que vous seriez heureux de vivre dans notre campagne avec blanchette seulment, vous souvenez vous qu’en parcourant la mienne, vous me dites que vous ne pourriez vous déterminer à demeurer dans un lieu si désert, même en l’habitant avec moi. La position du B…est pourtant une des plus belle de l’Europe. Vous allez devenir sage tout a fait vous n’aimerez plus la france, vous allez la regarder comme une étourdie…Les spéctacles n’etoient pas ce qui vous faisoient aimer paris dites-vous et le bal de l’opera s’il vous plait, qui l’aimoit plus que vous? Oh! si vous l’oublyéz apres l’avoir tant cheri il ne faut plus compter sur rien, et des ce moment je vous regarde comme un homme perdu. Je plaisante mon ami, sans badiner, n’allez pas devenire trop raisonnable, et perdre le désire de venire nous voir, oh! cette pensée me fait trembler! Pourriez vous oublyer les liens qui vous unissent à l’Europe non, non votre coeur vous dira toujours à quel point ils sont sacrés

Je ne repondroi que légérement sur plusieures articles de votre lettre, vous devez en avoir reçu de moi (puisque de puis votre départ voila la huitieme que je vous ecris) qui vous auront déja dit ce que vous me demandéz. Je vous dirai seulemnt que je suis à St G…que je ne crois pas aller jamais à pas…et que je vous prie de m’envoyer vos lettres sous l’envelope de notre cher voisin, il aura la complaisance de me les faire tenire à l’adresse accoutumée, cette maniere est la plus sure, voila bien des réponses en peu de mots. A présent il faut que je vous parle de la vie que je mene ici, en verité je puis encore dire comme vous si j’avois ce que j’aime pres de moi rien ne manqueroit à mon bonheur. D’abord mon ami je suis fort engraissée ce qui soit dit en passant ne me méssiéd pas, hommes et femmes de cette ville me témoignent, tant d’amitiés, me recoivent avec tant de caresse, que je suis presque tentée de prendre un peu d’amour propre. Comme j’ai choisie ma société j’ai eu soin de m’emparrer de la plus aimable. J’ai la liberté d’aller chez mes amis tant que je veux, seulment seulment je suis comme un prisonnier d’état je ne puis sortir des barrieres si je suis assez heureuse pour que l’on vous envoye en france je ne pourrai vous voir que dans cette ville, encore il ne faudra pas que vous debarquiez comme un boulet de canon vous arriverez tout bas tout bas sans qu’on se doute de rien alors…Hélas! comme je me laisse aller à cette douce pensé. Oh mon ami où je me trompe fort ou votre dernière lettre n’annoce pas un prochain retour. Dites moi en avez vous le désire. La dessus je ne vous dirai plus rien je ne veux pas être indiscrette ni vous rien demander qui puisse nuire à votre bonheur ou à votre avansement, si vous croyez être plus heureux en restant, ne venez pas, mais alors plaignez votre pauvre amie. je vous remercie de m’avoir donné des nouvelles de votre cousin, et surtout de votre papa, je félicite sa patrie de sa nouvelle dignité. Que sa fille a due être heureuse, son pere son fils que de bien dont elle a été privée si long tems, hélas! Sa jouissance en est plus douce et plus vive et moi je suis privée aussi de mon bien le plus cher et je ne dois pas même me permettre l’esperance je…Oh! mon ami il est cruel de renoncer au bonheur.

Ecrivez moi souvent je vous en suplie, tâchéz s’il est possible de calmer ma malheureuse imagination dites moi que vous m’aimez que vous m’aimerez toujours c’est le seul moyen de me rassurer, ayez la bonté de ne point prendre pour m’ecrire l’instant de vos dépêches je ne veux pas etre traitée comme un commis des affaires étrangeres je ne veux pas etre confondue avec ces Messieur je vous prie que je sois un article à part vous savez si bien recommander de prendre du grand papier on ne prêche bien que par l’example entendez vous Monsieur vous prenez du petit papier et vous n’avez pas la place de me dire votre avis sur les femmes de votre pays, vous avez peut etre craint de me faire du chagrin il est vrai que ... mais pourquoi. On peut trouver des femmes aimables sans les adorer, adorer n’est il pas le mot propre quand on aime bien? Oh! mon ami c’est bien celui de mon coeur! Dites moi donc sans crainte votre façon de penser sur vos dames, je vous dirai moi pour vous encourager que nous avons des hommes fort aimables dans notre société. Le vicomte de [saimaison?] Mon de Castéja que vous connoissez peut etre, car il alloit chez vos parents. Et puis nous avons encore un jeune commandeur qui vous resemble si parfaitement qu’il me fait tréssaillir toutes les fois que sans penser à rien je le rencontre sous mes yeux. Voila mon ami ce que nous avons de jeunesse, pour des hommes raisonnables où qui deveroient l’etre c’est à n’en pas finir au surplus je ne vois les jeunes que dans la société, fort peu chez moi. On a pourtant rien a craindre mon coeur est trop bien [illegible], mes autres numéros vous méttront encore au fait de ce que j’ai fait de ce que je suis devenue de puis votre départ, il est inutile de radoter voila je crois passablement de bavardage cependant je n’ai pas tout dit.

Md pa…est accouchée d’un garçon vous jugez de la joie de l’orgueilleux personnage, il est vrai que pour peu que cela aille comme ça cinq ou six cens ans de suite, ses déscendans pourront se vanter d’etre d’assez bon gentils hommes, vous allez dire que je suis méchante oh oui mais pour ceux qui me font du bien oh comme je suis bonne! La petite dame est fort bien portante son aimable soeur a je crois gagné sa maladie (elle est par fois térible cette maladie) tout en elle annonce une Grossesse. Je tremble pour elle, elle est si délicate, il est possible aussi que sa santé en devienne meilleur, je dois le rétablissement de la mienne à mon petit Théodore, je lui en ai je vous assure tres grande obligation, comme aussi d’etre beau à tourner la tête à toutes nos jolies dames. Je lui conseille pourtant de ne choisire que des femmes à sentiment ou il seroit perdu! Le prince n’est pas taillé ... Enfin il sera toute ame mais voila tout, malgré sa délicatésse il est en fort bonne santé, comme il ne fait d’exces qu’avec sa nourrice il ne s’est pas encore appercu de son peu de Vaillance, au surplus il est impossible d’etre plus aimable et plus doux.

Ma bonne est bien sensible à votre souvenire elle le merite à tous egards. Je suis bien aise que vous vous soyez souvenu d’elle elle est aime toujours tendrement sa maîtresse et je vous assure qu’elle est payée du plus juste retour.

En verité Md jai est bien bonne. Je suis bien reconnoissante de ce qu’elle dit de moi je n’avois pas besoin de cette raison pour la trouver bien aimable, je suis fâchée que vous ne puissiez pas la remercier pour moi. Adieu mon bon ami j’ai beau me presser vous voyez qu’il faut finire et puis on m’attend escusez moi je vous prie la recéption de mes lettres je ne vous ecris pas sans crainte je suis étonnée de ce que vous n’aviez pas encore de mes lettres le 3 novembre, au surplus leur datte vous diront ou vous auront dit (car j’espere que vous les avez reçues) si elle ont éprouvées du retard. Adieu adieu mon aimable ami écrivez, aimez, aimez et ecrivez, voila ma priere, la plus chere et la plus fervente!

Ne parléz a personne de la grossesse de notre amie c’est un [illegible] comme vous êtes dans le voisinage. Cela pourroit [illegible] des caquets—et ce pauvre Mon de chaumont je n’ai pas de place pour parler de lui. Ce sera pour le No 9

642950 = 043-u880.html