Pressé depuis longtems par le désir de passer en amérique, j’ai toujours été retenu dans ma Patrie par l’apprehension du Coût du Voyage; mais aujourd’huy que la face des choses est changée et que suivant l’avis qui m’a été donné, vous voulez bien ainsy que Votre Nation favoriser les français qui souhaittent de s’etablir sur le Continent, j’ose Vous prier, Monsieur, de m’informer des moyens à prendre ultérieurement et de votre intention à me favoriser pour mon passage d’Europe. Il sera peut-être necessaire que je Vous instruise Monsieur sur ce que je suis, ce que je prétends faire et la cause de mon dégoût pour ma patrie? Voila en deux mots, de quoi m’acquitter de ce Devoir. Je vegete depuis sept ans dans un Bureau où je suis assez mal servi par la fortune, eu egard surtout au genre de travail dont je m’occupe. Il faut pour mon avancement qu’une ou deux personnes se décident a passer dans l’eternité, elles n’y pensent pas et je ne peux décemment les y faire songer. Je voudrais néanmoins aggrandir ma Sphère, et l’amérique m’offre plus d’une ressource; je pourai chez elle entreprendre un, ou des etats que ma famille ici condamneroit parcequ’elle a des préjugés.

Si l’Ecriture, la langue et l’orthographe françaises l’arithmétique et la géographie ne peuvent me rendre aucuns services dans les Etats unis, la terre ne m’en refusera point et je vivrai Libre; ainsi Monsieur je reviens à la priere que j’ai osé vous faire de m’instruire si mon projet est praticable, si je peux quitter ma place, aller en votre hôtel pour avoir l’honneur de vous saluer, et recevoir une recommandation de votre part auprès d’un Capitaine de Vaisseau de Votre nation dans un port de france afin qu’il m’embarque sans difficulté.

J’ai l’honneur d’Etre avec toute la consideration qui Vous est düe, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur