J’eus l’honneur de vous écrire hier par Rotterdam. Je viens de chez notre Ami, à qui j’ai demandé s’il étoit vrai qu’il avoit dit à g—— F——, que la Ville d’Amsterdam desiroit qu’on n’exécutât pas trop à la rigueur le dernier Edit françois de Navigation? Il m’a assuré qu’il ne l’avoit pas dit; qu’au contraire sa ville comptoit sur l’exécution stricte de cet Edit, puisqu’autrement le parti adverse croiroit que le tout n’est pas sérieux, & s’opiniâtreroit plus que jamais.
Il m’a dit aussi, que le Pensionaire de Rotterdam étoit venu le voir, & l’avoit prié à mains jointes, & d’un ton de désespoir, d’interposer ses bons offices & ceux de sa ville auprès de la Cour de France, pour faire lever l’interdit fulminé contre eux; mais qu’il lui avoit répondu ne pouvoir rien là-dedans, ni lui ni sa ville; qu’il falloit s’adresser à celui qui les avoit plantés dans la bourbe, pour les en retirer. Pauvre consolation pour la Magistrature de Rotterdam, qui, d’un côté, craint une émeute (Car il y a beaucoup de fermentation), &, de l’autre, sent fort bien que la France ne leur fera aucune grace pour l’amour d’un Pce [Prince], qui vient de se declarer si hautement contre elle.
Enfin il m’a répété, que non seulement la Magistrature, mais aussi le gros des Négociants, sont très contents du tour qu’ont pris les choses, & très-résolus de tenir fermes. Ainsi, si l’on disoit ou écrivoit le contraire, croyez que c’est des gens dont les uns trompent, & les autres se laissent tromper. Je réponds de la vérité de ce que dessus. Je suis, Monsieur, avec un grand respect, Votre très-humble & très Obéissant serviteur